Refonte des règles : Mise à jour de la Loi sur la concurrence du Canada

Blake, Cassels & Graydon LLP
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Ce récent projet de réforme prévoit l’élargissement de la portée des dispositions civiles, le renforcement du cadre d’examen des fusions et diverses autres modifications.

Le 28 novembre 2023, le gouvernement du Canada a proposé des modifications considérables et d’une grande portée à la Loi sur la concurrence (la « Loi »), lesquelles avaient été présentées dans son Énoncé économique de l’automne. Ces réformes législatives additionnelles, qui pourraient être adoptées dès la fin de l’année, pourraient avoir une incidence sur le comportement des entreprises et les efforts déployés par ces dernières pour effectuer des opérations. De plus, elles augmenteraient grandement les risques associés à la non-conformité et, par conséquent, à l’approche qu’adoptent les entreprises pour se conformer au droit de la concurrence.

Entre autres, les modifications proposées viendraient élargir considérablement les droits et les recours dont peuvent se prévaloir les parties privées pour lutter contre les pratiques commerciales anticoncurrentielles ou trompeuses (« accès privé »). Elles introduiraient également des sanctions administratives pécuniaires (« SAP ») et la possibilité que des ordonnances de dessaisissement (semblables à celles applicables aux fusions) soient émises à l’égard de coentreprises et d’autres ententes non liées à des fusions. Elles élargiraient aussi la portée des exigences en matière d’avis de fusion ainsi que la capacité du Bureau de la concurrence (le « Bureau ») d’empêcher la clôture d’opérations. Elles prolongeraient en outre le délai de prescription applicable à certaines opérations. Par ailleurs, elles abordent expressément les déclarations environnementales trompeuses (soit l’« écoblanchiment »).

Les modifications proposées aux dispositions en matière d’accès privé de la Loi entreraient en vigueur un an après l’adoption des modifications. Les autres modifications entreraient en vigueur à leur adoption.

Voici les principaux points que doivent retenir les entreprises :

  • Élargissement des litiges privés. Les modifications proposées permettraient aux parties privées d’intenter plus facilement des poursuites devant le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») pour des violations de bon nombre de dispositions civiles de la Loi (y compris l’abus de position dominante, le refus de vendre et les pratiques commerciales trompeuses) et d’être indemnisées si elles obtiennent gain de cause. La non-conformité à la Loi entraînera donc des risques accrus. Par conséquent, il sera plus important que jamais de s’assurer d’être conforme au droit de la concurrence.

  • Lutte contre les collaborations anticoncurrentielles. Le Bureau aurait le pouvoir d’examiner un plus grand nombre de collaborations horizontales et verticales qui ne constituent pas tout à fait des fusions, d’infliger d’importantes sanctions pécuniaires et de faire émettre des ordonnances de dessaisissement semblables à celles applicables aux fusions.

  • Renforcement du cadre d’examen des fusions. Les modifications proposées élargiraient la portée des exigences en matière d’avis de fusion aux opérations dans lesquelles les parties n’exerceraient aucune activité au Canada mais effectueraient des ventes à destination du Canada. De plus, elles doteraient le Bureau du pouvoir d’empêcher la clôture d’une opération par le simple dépôt d’une demande à cet effet auprès du Tribunal en vertu des articles 100 ou 104 de la Loi.

  • Lutte contre l’« écoblanchiment ». Les dispositions de la Loi relatives aux pratiques commerciales trompeuses, tant au civil qu’au criminel, seraient modifiées de façon à inclure explicitement l’« écoblanchiment », une pratique qui consiste à divulguer de l’information trompeuse en matière d’environnement et de durabilité à l’égard des produits d’une entreprise.

Un résumé de ces plus récentes propositions est présenté ci-après.

1. Élargissement du régime d’accès privé au Tribunal

Les modifications élargiraient considérablement l’éventail des comportements pouvant faire l’objet d’une demande d’accès privé et les recours éventuels dont pourraient se prévaloir les parties privées par ce qui suit :

  • Créer un nouveau droit d’accès privé au Tribunal en vertu (i) des dispositions civiles de la Loi relatives aux pratiques commerciales trompeuses (art. 74.1); et (ii) des dispositions civiles de la Loi relatives à la collaboration entre concurrents (art. 90.1).

  • Permettre aux justiciables privés d’être indemnisés par suite de la violation des dispositions susmentionnées, ainsi que pour des pratiques restrictives du commerce, notamment le refus de vendre (art. 75), le maintien des prix (art. 76), l’exclusivité, la limitation du marché et les ventes liées (art. 77), ainsi que l’abus de position dominante (art. 79). Les nouvelles modifications autoriseront le Tribunal à ordonner l’indemnisation des justiciables privés à hauteur du bénéfice tiré du comportement visé par le litige.

  • Assouplir la norme applicable aux parties privées pour l’obtention de l’autorisation de présenter une demande au Tribunal en vertu de l’article 103.1 de sorte que le demandeur puisse démontrer qu’il est sensiblement gêné dans toute son entreprise ou en partie de celle-ci, et que les parties privées puissent démontrer que l’autorisation d’une telle demande serait dans l’intérêt public.

Points à retenir : Il y a lieu de s’attendre à une augmentation du nombre de demandes d’accès privé au Tribunal à la lumière des modifications proposées. Les sociétés auraient intérêt à mettre à jour leurs programmes et leurs formations en matière de conformité au droit de la concurrence pour qu’ils tiennent compte du risque accru que présentent de telles demandes et des indemnisations qui pourraient en résulter.

2. Élargissement de la portée des dispositions sur la collaboration entre concurrents

Les modifications proposées élargiraient la portée des dispositions civiles sur la collaboration entre concurrents (c’est-à-dire les coentreprises) prévues à l’article 90.1 de la Loi aux arrangements « proposés » et accroîtraient le risque associé à la violation de ces dispositions par les mesures suivantes :

  • Prévoir des recours à des ordonnances de dessaisissement (semblables à celles applicables aux fusions) afin d’aborder l’empêchement ou la diminution sensible de la concurrence (« EDSC ») résultant d’une telle collaboration.

  • Prévoir des SAP ne pouvant dépasser le plus élevé des montants suivants : (i) 10 M$ CA (ou 15 M$ CA pour toute violation subséquente); (ii) trois fois la valeur du bénéfice sur lequel l’accord ou l’arrangement a eu une incidence ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la personne concernée.

Points à retenir : Le Bureau et, désormais, les justiciables privés, seraient plus enclins à porter une attention particulière à la collaboration entre concurrents et même aux ententes verticales (c.-à-d. entre fournisseurs et clients) qui peuvent être perçues comme ayant une incidence sur la concurrence. Les sociétés auraient intérêt à obtenir des conseils juridiques sur toute collaboration entre concurrents, coentreprise ou entente verticale prévue ou en cours à la lumière de l’élargissement de la portée de l’article 90.1 de la Loi, ainsi que de l’augmentation des sanctions prévues à cet article.

3. Élargissement de la portée des examens de fusions

Les modifications proposées élargiraient la portée des dispositions sur les fusions de la Loi au moyen des mesures suivantes :

  • Ajouter les ventes à destination du Canada aux activités assujetties à l’exigence en matière d’avis lorsqu’il y a dépassement du seuil relatif à la taille de l’opération, ce qui concernerait donc les fusions d’entités étrangères lorsque ces dernières n’ont pas d’actifs ou de ventes au Canada mais effectuent des ventes à destination du Canada.

  • Faire passer le délai de prescription durant lequel le Bureau peut procéder à l’examen d’une fusion n’ayant pas fait l’objet d’un avis à trois ans après la clôture de l’opération.

  • Empêcher, jusqu’à l’issue des procédures devant le Tribunal, la réalisation d’une opération à la demande du commissaire, afin que ce dernier puisse bénéficier de plus de temps pour examiner l’opération (article 100) ou parce qu’il estime que la réalisation de l’opération nuirait à la concurrence (article 104).

  • Tenir compte des effets sur les marchés du travail dans la détermination d’un EDSC en vertu des dispositions relatives aux examens de fusions prévues au paragraphe 92(1) de la Loi.

  • Ajouter les effets de l’augmentation de la part du marché ou de la concentration, ainsi que la possibilité qu’une opération proposée donne lieu à une collaboration expresse ou tacite entre concurrents, aux facteurs à prendre en compte afin de déterminer si une opération est susceptible de donner lieu à un EDSC aux termes de l’article 93.

Points à retenir : Les parties à une opération qui effectuent des ventes à destination du Canada auraient intérêt à connaître les exigences en matière d’avis, même si ces parties n’exercent pas d’activités au Canada. Elles peuvent également envisager d’aviser le Bureau de leurs opérations qui ne doivent pas faire l’objet d’un avis afin de bénéficier d’un délai de prescription plus court. Le Bureau disposerait de pouvoirs accrus pour empêcher la clôture de fusions contestées par le simple dépôt d’une demande d’injonction auprès du Tribunal, ce qui prolongerait sans doute les délais pour les examens des fusions contestées.

4. Pratiques commerciales trompeuses

Outre l’ajout d’un droit d’accès privé au Tribunal relativement aux demandes concernant des pratiques commerciales trompeuses, les modifications proposées prévoient également ce qui suit :

  • Ajouter l’« écoblanchiment » (c.-à-d. le fait de faire des déclarations non fondées au sujet des avantages environnementaux d’un produit ou d’un service) à la liste des comportements trompeurs prévus à l’article 74.01.

  • Permettre aux justiciables privés ayant obtenu la permission du Tribunal de contester une pratique commerciale trompeuse de se prévaloir du droit à une injonction interlocutoire en vertu de l’article 74.111 de la Loi.

  • Prévoir des sanctions administratives pécuniaires pouvant aller jusqu’à 10 000 $ CA par jour de non-conformité, ainsi que des interdictions possibles ou d’autres ordonnances, pour l’omission de se conformer à un consentement ayant trait à des pratiques commerciales trompeuses en vertu de l’article 74.12.

Points à retenir : Les sociétés auraient intérêt à passer en revue leurs pratiques commerciales à la lumière des modifications proposées et des risques liés aux sanctions administratives pécuniaires accrues et aux litiges privés.

5. Autres modifications

Les modifications prévoient également ce qui suit :

  • Représailles. Introduire des sanctions administratives pécuniaires ou d’autres recours si une partie se livre à des représailles contre une autre partie en raison de la collaboration de cette dernière avec le Bureau dans le cadre d’une enquête.

  • Droit à la réparation. Accorder au Tribunal la compétence d’ordonner que des moyens de diagnostic ou de réparation soient fournis à des clients ou à leurs parties par un fournisseur en vertu des dispositions de refus de vendre de la Loi (article 75), notamment des mises à jour techniques, des logiciels ou outils de diagnostic, ainsi que toute documentation connexe et pièce de rechange.

  • Accords et arrangements relatifs à la protection de l’environnement. Permettre au commissaire, sur demande des parties, de délivrer un certificat attestant qu’un accord ou un arrangement conclu dans le but de protéger l’environnement n’aura pas pour effet de donner lieu à un EDSC.

Points à retenir : Les modifications relatives aux représailles réduiraient les obstacles à la coopération des parties aux enquêtes du Bureau, ainsi que les risques associés à une telle coopération. Les sociétés auraient intérêt à passer en revue leurs pratiques en matière de diagnostic et de réparation, à la lumière de la possibilité de l’application des dispositions en matière de refus de vendre par le commissaire ou à la demande de parties privées. Les parties à des accords ou à des arrangements relatifs à la protection de l’environnement devraient songer à obtenir l’approbation du Bureau à l’égard de tels accords et arrangements afin de minimiser les risques découlant de l’application de la Loi.

Ces modifications constituent la plus importante réforme de la Loi depuis la refonte de cette dernière en 2009. Elles se fondent sur d’autres initiatives législatives récentes, notamment le projet de loi C-56 (lequel a été déposé à la Chambre des communes) et des modifications de la Loi qui ont été proposées en 2022.

Pour en savoir davantage sur le projet de loi C-56, consultez notre Bulletin Blakes de septembre 2023 intitulé Le gouvernement du Canada propose d’importantes modifications à la Loi sur la concurrence. Pour en savoir davantage au sujet des modifications de 2022, consultez notre Bulletin Blakes de mai 2022 intitulé Le gouvernement fédéral propose des modifications qui élargiraient grandement la portée de la Loi sur la concurrence.

DISCLAIMER: Because of the generality of this update, the information provided herein may not be applicable in all situations and should not be acted upon without specific legal advice based on particular situations.

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