Entrée en scène de l’ACEUM : Protection des investissements transfrontaliers en Amérique du Nord

INTRODUCTION

Le 1er juillet 2020, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (appelé « ACEUM » au Canada et « USMCA » aux États-Unis) remplacera l’Accord de libre-échange nord-américain (« ALENA »), ce qui entraînera des changements importants pour les investisseurs transfrontaliers en Amérique du Nord.

Le présent bulletin énonce les considérations clés pour les investisseurs nord-américains ayant des investissements existants ou prévoyant des investissements dans des entreprises transfrontalières, ou exerçant ou prévoyant exercer des activités transfrontalières, en ce qui a trait aux recours juridiques à leur disposition dans le contexte post-ALENA et à la maximisation des protections disponibles.

PROTECTIONS ET RECOURS EXISTANTS AUX TERMES DE L’ALENA

Le chapitre 11 de l’ALENA prévoit plusieurs garanties de protection importantes des investissements, offertes par le Canada, les États-Unis et le Mexique aux investisseurs des autres parties à l’ALENA sur leur territoire. Ces protections comprennent l’exigence de compenser les investisseurs pour l’expropriation d’un investissement, une assurance d’un traitement « juste et équitable » et des garanties que l’investisseur transfrontalier ne sera pas traité d’une façon moins favorable que les investisseurs locaux (traitement national) ou que d’autres investisseurs étrangers (traitement de la nation la plus favorisée). Dans le cas d’un manquement à l’une de ces protections garanties par un État hôte, un investisseur pourrait, en vertu du chapitre 11, engager une procédure d’arbitrage directement contre cet État.

LE TEMPS PRESSE POUR LES ARBITRAGES ENTRE UN INVESTISSEUR ET UN ÉTAT

Le chapitre 14 de l’ACEUM continue d’inclure des garanties de protection importantes des investissements similaires à celles prévues au chapitre 11 de l’ALENA. Or, comme nous l’avons abordé dans notre Bulletin Blakes d’octobre 2018 intitulé L’AEUMC élimine l’arbitrage entre des investisseurs et un État pour le Canada : répercussions pour les investisseurs, le changement le plus important à la protection des investissements transfrontaliers aux termes de l’ACEUM est l’élimination d’un droit direct pour les investisseurs américains au Canada d’avoir recours à l’arbitrage contre le Canada et pour les investisseurs canadiens aux États-Unis d’avoir recours à l’arbitrage contre les États-Unis lorsque l’une de ces garanties de protection n’est pas respectée.

Cela dit, les entreprises ayant un investissement transfrontalier actuelentre le Canada et les États-Unis pourraient disposer de 3 ans après la fin de l’ALENA pour soumettre des réclamations à l’arbitrage. Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont consenti, avec certaines restrictions et pour une période de trois ans après la fin de l’ALENA, au recours à l’arbitrage aux termes du chapitre 11 de l’ALENA relativement aux « investissements antérieurs » établis aux termes de l’ALENA et existants le 1er juillet 2020 (la date à laquelle l’ACEUM entre en vigueur), sous réserve de certaines conditions.

Les investisseurs devront toutefois continuer de suivre le processus graduel de règlement des différends prévu par le chapitre 11 de l’ALENA, notamment et surtout la période d’attente de six mois entre les événements qui ont donné lieu au différend et la soumission du différend à l’arbitrage.

INVESTISSEMENTS AU MEXIQUE

À l’instar des investissements aux États-Unis ou provenant des États-Unis, les investisseurs canadiens au Mexique bénéficieront également de la période d’attente de 3 ans applicable aux investissements antérieurs et prévue au chapitre 11 de l’ALENA. De plus, certains droits à l’arbitrage continueront d’exister aux termes de l’ACEUM pour les investisseurs américains au Mexique et les investisseurs mexicains aux États-Unis, même si leur portée est considérablement plus limitée que ceux prévus par l’ALENA à l’égard des investissements qui ne constituent pas des « contrats gouvernementaux visés », tels que définis dans l’ACEUM relativement à certains secteurs économiques.

Mis à part l’ACEUM, les investisseurs canadiens au Mexique et les investisseurs mexicains au Canada disposent de la protection des investissements et des droits à l’arbitrage prévus au chapitre 9, intitulé « Investissement », de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (le « PTPGP »), lequel est entré en vigueur le 30 décembre 2018 et a été signé, entre autres, par le Canada et le Mexique (mais pas par les États-Unis). Le PTPGP protège les investissements transfrontaliers qui ont été réalisés après son entrée en vigueur, mais aussi ceux avant son entrée en vigueur si l’investissement existait à la date d’entrée en vigueur du PTPGP.

STRATÉGIES POUR LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS

Qu’ils bénéficient ou non d’un traité de protection des investissements comme celui prévu au chapitre 11 de l’ALENA ou au chapitre 9 du PTPGP, les investisseurs transfrontaliers seraient bien avisés d’envisager d’autres stratégies afin de protéger leurs investissements étrangers.

Si l’investissement fait l’objet un contrat direct avec l’État hôte, les parties devraient judicieusement prendre en considération le droit applicable au contrat et les clauses de règlement des différends et, s’il y a lieu, prévoir un arbitrage pour tout différend contractuel ou connexe. Selon les circonstances, par exemple, les parties peuvent convenir de régler leurs différends aux termes de la la Convention du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un traité international ratifié par un grand nombre d’États qui vise expressément les différends entre les investisseurs privés et les États souverains. Les parties peuvent également envisager de stipuler que le droit international régit le contrat, en plus du droit national applicable, et que celui-ci a prépondérance dans l’éventualité d’un conflit, ce qui permet d’importer certaines des protections habituellement offertes aux termes des accords internationaux sur les investissements.

Même lorsque l’investissement ne fait pas l’objet d’un contrat conclu directement avec l’État hôte, l’investisseur pourrait préférer régler les différends contractuels par voie d’arbitrage commercial international, ce qui peut être plus efficace et avantageux que le recours aux tribunaux locaux. Il s’agit d’une stratégie particulièrement prudente lorsque le cocontractant est une société d’État ou une entité membre d’une société d’État.

Finalement, bien que l’ACEUM ne prévoie plus les mêmes recours de règlement des différends entre investisseurs que ceux de l’ALENA, il contient des garanties de protection des investissements. Il reste à voir de quelle façon ces droits pourraient être mis en application dans d’autres forums nationaux (la loi canadienne actuelle de mise en oeuvre de l’ACEUM semble laisser peu de place à cet égard), et/ou si l’État de l’investisseur invoquerait ou pourrait invoquer ou non les mesures de règlement des différends entre États prévues aux termes du chapitre 31 de l’ACEUM, ou pourrait présenter une réclamation au nom de l’investisseur en vertu du droit international général, lorsqu’une autre partie agit d’une manière incompatible avec ses obligations aux termes du chapitre 14 ou omet de remplir celles-ci.

CONCLUSION

Compte tenu de la fin imminente de l’ALENA, les investisseurs transfrontaliers devraient soigneusement examiner et prendre en considération leurs réclamations existantes en matière d’investissement, et les futurs investisseurs, quant à eux, devraient évaluer judicieusement la structure de leurs investissements afin de maximiser les protections et les modes de règlement des différends disponibles.

DISCLAIMER: Because of the generality of this update, the information provided herein may not be applicable in all situations and should not be acted upon without specific legal advice based on particular situations.

© Blake, Cassels & Graydon LLP | Attorney Advertising

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