Retour à la case départ pour le legal privilege à la française ?

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Après plusieurs années de débats, la loi d’orientation et de programmation du Ministère de la justice 2023-2027 envisageait de consacrer la confidentialité des consultations juridiques émanant des juristes d’entreprise. Cependant, le 16 novembre dernier, les dispositions de la loi sur ce point particulier ont été censurées par le Conseil constitutionnel car constituant un cavalier législatif. Ce rejet pourrait pourtant n’être que temporaire.


Depuis de nombreuses années, les juristes exerçant au sein d’entreprises en France souhaitaient voir protégés par la confidentialité les avis qu’ils émettent à l’attention des entreprises.

Dès la fin de l’année 2014, les entreprises françaises se trouvant soumises à des obligations de conformité de plus en plus exigeantes dans un nombre croissant de domaines, l’étude d’impact de la loi Macron du 6 août 2015 proposait de créer un statut d’avocat en entreprise bénéficiant d’un privilège de confidentialité. Dans son rapport éponyme de 2019, le député Raphaël Gauvain soulignait la difficulté des entreprises françaises à se défendre face à l’extraterritorialité des lois étrangères et militait ainsi pour la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise afin de lutter contre la perte d’attractivité de la France. Le rapport d’information Marleix-Gauvin déposé le 7 juillet 2021 par la commission des lois sur l’évaluation de l’impact de la loi Sapin II préconisait également d’instaurer un legal privilege à la française.

A l’occasion des travaux parlementaires autour de la loi d’orientation et de programmation du Ministère de la Justice 2023-2027, cette réforme a fait son chemin, défendue par le garde des Sceaux. La reconnaissance de ce legal privilege à la française a paru un temps avoir fait un grand pas avec l’adoption de cette loi dont le paragraphe IV de l’article 49 visait à insérer dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, un article 58-1 prévoyant la possibilité d’assortir les consultations réalisées par un juriste d’entreprise de la confidentialité sous certaines conditions.

Il s’agissait ainsi de mettre en place un dispositif dans lequel la nature du document aurait été au cœur du régime de protection. D’autres intérêts en présence étaient en outre ménagés : d’un côté ceux des avocats qui redoutaient la création d’une nouvelle profession du droit, et de l’autre ceux des autorités administratives en charge des contrôles en écartant le risque de boîtes noires dans les entreprises.

Le débat ne s’est pourtant pas arrêté avec l’adoption de la loi par le Parlement. Le 16 octobre dernier, un groupe de soixante députés du groupe parlementaire La France Insoumise – Nupes a saisi le Conseil constitutionnel au motif que la confidentialité accordée aux consultations des juristes d’entreprise n’aurait pas garanti aux autorités de régulation les moyens effectifs d’exercer leur mission et que cette confidentialité serait ainsi contraire au respect de l’ordre public économique.

Ce n’est finalement pas sur le fondement de cette question de fond que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions en question. Estimant que la mesure ne « présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions de l’article 19 du projet de loi initial, relatif au diplôme requis pour accéder à la profession d’avocat », ni avec les autres dispositions du projet de loi initial, le juge constitutionnel a censuré pour de pures raisons procédurales le dispositif de « legal privilege » envisagé.

La décision du Conseil constitutionnel ne traite donc pas de la conformité substantielle des dispositions déférées aux autres exigences constitutionnelles. Aux termes d’un communiqué publié le 21 novembre dernier, les organisations professionnelles des juristes d’entreprise l’AFJE, l’ANJB et le Cercle Montesquieu ont déclaré rester « mobilisées » afin de continuer « à porter ce projet ».

Il est fort à parier qu’une nouvelle proposition de loi soit prochainement envisagée et déposée. Il reste à voir si sur le fond l’approche restera la même ou si les circonstances amenderont les contours du legal privilege à la française.

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