L’exception au principe de la révision pour imprévision confirmée en matière de cession d’actions

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A l’occasion d’une décision rendue le 26 mai 2023 sur une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC »), le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l’article L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.1


Après le fort attachement témoigné par la jurisprudence à la force obligatoire du contrat, l’introduction par la réforme des contrats de la possibilité sous conditions de réviser le prix convenu à la demande de l'une des parties à la convention avait constitué une innovation importante,2 quand bien même la rédaction adoptée dans le texte de l’ordonnance de 2016 favorise un rôle préventif, qui privilégie la renégociation entre les parties.3 

A la suite de craintes exprimées par la pratique,4 la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance avait introduit un correctif, matérialisé par un nouvel article L. 211-40-15 pour exclure les titres de capital émis par les sociétés de capitaux. L’objectif était d’écarter le régime de l’imprévision pour l’ensemble des opérations sur instruments financiers dans le but de préserver, tout à la fois, les exigences de prévisibilité et de sécurité juridique, et, l’attractivité de la place financière.

Au cas d’espèce, l’enjeu des débats gravitait autour du champ d’application de la théorie de l’imprévision à l'exécution d'une promesse de cession d'actions d'une SAS. La Cour de cassation avait ainsi retenu le caractère sérieux de la QPC au regard du principe d’égalité devant la loi en ce que la disposition contestée avait pour effet de « soumettre à un régime différent les cessions d'actions non cotées et les cessions de parts sociales, d'une part, et de soumettre au même régime les cessions d'actions de gré à gré et les cessions d'actions sur les marchés financiers, d'autre part ».6

Le grief formulé a été assez logiquement écarté en considération d’un raisonnement en deux étapes.

S’appuyant sur les travaux parlementaires, le Conseil constitutionnel a retenu dans un premier temps que le souhait du législateur d’assurer la sécurité juridique des opérations sur les contrats et titres financiers était de nature à justifier une différence de traitement, fondée sur une différence de situation eu égard au risque d’évolutions imprévisibles de valorisation des instruments financiers. L’occasion pour les juges constitutionnels de souligner à l’appui de cette considération que la cession des titres de capital émis par les sociétés par actions « se caractérisent par leur négociabilité », contrairement aux cessions des parts sociales des sociétés de personnes, pour lesquels le mécanisme de l’imprévision a vocation à s’appliquer sauf exclusion conventionnelle par les parties.

Ce raisonnement est complété, dans un second temps, par la considération de ce que les dispositions contestées s’appliquant à toutes les cessions d’actions, une différence de traitement entre les cessions d’actions, « selon qu’elles s’opèrent de gré à gré ou sur les marchés financiers », n’est pas justifiée.

Cette décision vient donc consolider l’exception au principe de la révision pour imprévision pour les titres de capital. Force est d’admettre que la valeur de titres de capital d’une société par action, qu’elle soit cotée ou non, est par essence volatile, et que le risque d’évolutions imprévisibles est en définitive inhérente à chaque transaction. Parmi la multitude de critères à prendre en compte, la négociation du prix des titres est notamment fonction de la temporalité de la transaction, entre le moment où les titres d’une société sont valorisés et sa réalisation. Décider du contraire eut été susceptible d’exposer de manière quasi systématique les cessions de titres de société de capitaux à ce type de risque.


Prochaines étapes

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Les références

1 Cons. Const., 26 mai 2023, n° 2023-1049 QPC

2 Pour mémoire, le rapport au Président sur l’ordonnance mettait en avant cette évolution en soulignant que « la France était l’un des derniers pays d’Europe à ne pas reconnaître la théorie de l’imprévision comme cause modératrice de la force obligatoire du contrat. Cette consécration, inspirée du droit comparé comme des projets d’harmonisation européens, permet de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs qui surviennent en cours d’exécution, conformément à l’objectif de justice contractuelle poursuivi par l’ordonnance ».

3 JCP E 2019, 1185 : Contrats et obligations - La révision judiciaire pour imprévision à l'issue de la loi de ratification de la réforme du droit des contrats Création de l'article L. 211-40-1 du Code monétaire et financier

4 https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/rapport_08_f.pdf

5 « L'article 1195 du code civil n'est pas applicable aux obligations qui résultent d'opérations sur les titres et les contrats financiers mentionnés aux I à III de l'article L. 211-1 du présent code. »

6 Cass. Com., 15 mars 2023, n°22-40.023

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