La C.-B. doit moderniser son régime visant les claims miniers de façon à y prévoir la consultation des nations autochtones

Dans le cadre de l’affaire Gitxaala v. British Columbia, la Cour suprême de la Colombie-Britannique (la « Cour ») a statué que la délivrance de claims miniers en Colombie-Britannique entraîne l’obligation, pour la Couronne, de consulter les nations autochtones. La Cour a suspendu la prise d’effet de son jugement déclaratoire pour une période de 18 mois afin de laisser à la province le temps d’élaborer et de mettre en œuvre un nouveau régime prévoyant la consultation des nations autochtones. Pendant cette période, le régime de propriété foncière actuel demeure valide, de même que les claims miniers existants.

Contexte de la décision

Cette décision fait suite à deux requêtes introduites par la Nation Gitxaala (« Gitxaala ») et la Première Nation Ehattesahet (« Ehattesahet »). Gitxaala et Ehattesahet sollicitaient un jugement déclaratoire portant que le régime de titres miniers, autorisé par la loi de la Colombie-Britannique intitulée Mineral Tenure Act et administré par le Chief Gold Commissioner (le « commissaire »), ne respectait pas l’obligation de consultation imposée à la Couronne. La plainte ciblait particulièrement le fait que le système d’enregistrement automatisé en ligne de la province permet à n’importe qui d’obtenir un claim minier sans qu’un avis de cet enregistrement soit envoyé aux nations autochtones et sans que des consultations aient lieu avec ces dernières.

La question de droit dont la Cour était saisie était de savoir si la province avait une obligation constitutionnelle de consulter les groupes autochtones avant d’enregistrer des claims miniers. Il est important de noter qu’il n’était pas demandé à la Cour de déterminer :

  1. la portée ou la teneur de l’obligation de consulter, la seule question en litige étant de savoir si l’octroi de claims miniers entraîne automatiquement l’obligation de consulter;

  2. la validité des droits miniers existants.

Système d’enregistrement des claims miniers actuel

Depuis 2004, la province utilise un système d’enregistrement automatisé en ligne à l’égard des titres miniers. Même si le système notifie les mineurs autorisés lorsque des nations autochtones ont revendiqué des droits ancestraux qui chevauchent leurs claims miniers nouvellement acquis, les claims miniers sont octroyés automatiquement.

Les claims miniers permettent l’exercice de certaines activités d’exploration restreintes. La plupart des activités d’exploration exigent en plus un permis ou une tenure des terres devant faire l’objet de consultations avec les nations autochtones possiblement concernées.

Décision de la Cour et principales conclusions

Toutes les parties ont convenu que les deux premiers volets du critère permettant de déterminer si la Couronne a une obligation de consulter étaient satisfaits, c’est-à-dire :

  1. la province est au courant que Gitxaala et Ehattesahet ont fait valoir des revendications sur le territoire;

  2.  l’octroi de claims miniers constitue une mesure prise par la Couronne. La Cour a donc plutôt concentré son analyse sur la question de savoir si l’octroi de claims miniers peut porter atteinte à une revendication autochtone ou à un droit ancestral.

Dans ce contexte, voici les principaux points qui se dégagent de cette décision :

  1. La Couronne provinciale a l’obligation de consulter les peuples autochtones lorsqu’elle octroie des claims miniers. Bien que l’impact physique autorisé par l’octroi de claims miniers en vertu de la Mineral Tenure Act soit limité, celui-ci pourrait porter atteinte à des zones d’importance culturelle et spirituelle ainsi qu’aux droits des nations autochtones de tirer des bénéfices financiers des minéraux se trouvant sur les territoires qu’ils revendiquent. Cet impact potentiel est suffisant pour entraîner l’obligation de consulter. La Cour a reconnu que la loi laisse planer le doute quant à savoir si les titres ancestraux englobent les droits de sous-sol, comme l’ont fait valoir les Premières Nations. La Cour ne s’est pas penchée sur la question, si ce n’est que pour conclure que les droits revendiqués sont suffisants pour entraîner l’obligation de consulter.

  2. La Mineral Tenure Act est une loi valide qui ne porte pas atteinte en elle-même aux droits des peuples autochtones prévus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. C’est plutôt le régime mis en place par le commissaire, lequel attribue des claims miniers sans consultation, qui viole l’obligation de consulter de la Couronne.

  3. Le jugement déclaratoire de la Cour ne prend pas effet immédiatement, la Cour ayant suspendu la prise d’effet de celui-ci pour une période de 18 mois afin de permettre à la province de consulter les nations autochtones et d’élaborer un régime d’attribution de claims miniers qui facilite les consultations appropriées. La province a le pouvoir discrétionnaire de décider comment elle révisera le régime, soit en apportant des changements opérationnels au niveau du commissaire, soit en modifiant la Mineral Tenure Act.

  4. Pendant cette période, la province peut continuer d’exploiter le système d’enregistrement automatisé existant. La Cour a refusé d’accorder une injonction interdisant l’enregistrement de nouveaux claims miniers ou le renouvellement de claims miniers existants, craignant que ceci puisse avoir des effets non voulus et imprévus sur les détenteurs de claims miniers enregistrés qui n’étaient pas parties au litige.

  5. La Cour a été invitée à examiner l’effet juridique de la loi intitulée Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act (la « DRIPA »), laquelle a été adoptée par la province en 2019. La Cour a conclu que la DRIPA n’a pas pour effet d’intégrer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la « DNUDPA ») au droit national ni celui de créer des droits relevant de la compétence des tribunaux. La DRIPA peut servir à interpréter le droit, dont la Mineral Tenure Act.

  6. La décision ne porte pas atteinte aux droits des détenteurs enregistrés de claims miniers existants ou d’autres autorisations minières.

Répercussions

La décision de la Cour n’a pas de répercussions immédiates sur les activités d’exploration minière dans la province. Elle impose toutefois à la province un délai relativement court pour moderniser, en consultation avec les nations autochtones, son régime de titres miniers.

Le délai de 18 mois obligera les parties à chercher un juste équilibre entre leurs intérêts respectifs en tenant compte d’un précédent existant. En 2012, la Cour d’appel du Yukon avait elle aussi conclu que la délivrance de claims miniers entraînait, en vertu des lois du Yukon, l’obligation de consulter. À la suite de cette décision, une suspension de l’octroi de claims miniers a été mise en place sur environ 23 % de la superficie du Yukon, en attendant la tenue de consultations. La Colombie-Britannique prévoyait déjà de s’attaquer à cet enjeu, notamment en modernisant la Mineral Tenure Act en consultation avec les Premières Nations, ce qui était un objectif déclaré dans son plan d’action axé sur la DRIPA de 2022. La Cour ordonne maintenant à la province de réaliser cet objectif dans les 18 prochains mois.

Les participants du secteur, les peuples autochtones ainsi que les gouvernements fédéral et d’autres provinces et territoires du Canada surveilleront de près comment la province s’y prendra pour donner suite à cette ordonnance judiciaire. Étant donné que le droit des Autochtones est essentiellement un droit national (fondé sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982), les régimes de titres miniers « à accès ouvert » dans d’autres provinces et territoires du Canada qui octroient des droits sans tenir des consultations auprès des Autochtones pourraient également faire l’objet de contestations.

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© Blake, Cassels & Graydon LLP | Attorney Advertising

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