Notre équipe en Droit Social revient sur trois arrêts de la Cour de cassation.

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Dispositif de contrôle des salariés illicite : quelles conditions de recevabilité ? - Preuve d’une inégalité salariale : le juge des référés peut ordonner la communication de bulletins de paie d’autres salariés - Communication sur le remplacement d’un salarié : attention au licenciement de fait


Dispositif de contrôle des salariés illicite : quelles conditions de recevabilité ?

Parce qu’elle restreint par nature les droits et libertés, la mise en œuvre d’un dispositif de contrôle et de surveillance de l’activité des salariés est strictement encadrée : (i) le dispositif (vidéosurveillance, badgeuse…) doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché, (ii) il doit être porté à la connaissance des salariés en amont, (iii) le CSE, s’il existe, doit avoir été préalablement consulté et (iv) les règles relatives au traitement des données personnelles doivent avoir été observées. Faute de satisfaire l’une de ces conditions, les preuves issues du dispositif sont illicites, ce qui peut s’avérer particulièrement problématique pour l’employeur, en particulier lorsque ces preuves ont fondé une mesure de licenciement.

Trois arrêts de la Cour de cassation rendus le 8 mars 2023 (n°21-17.802, n°20-21.848 et n°21-20.798) illustrent ce type de difficulté, dans des situations variées : vidéosurveillance mise en place sans que la salariée soit informée au préalable sur sa finalité, badgeage détourné ou encore procès-verbal de police obtenu de manière irrégulière

La Cour de cassation avait déjà admis que, dans ce type de situations, la preuve illicite puisse être prise en compte par le juge pour démontrer la réalité d’un comportement fautif, sous réserve qu’elle soit indispensable à cette démonstration. De plus, l’atteinte à la vie personnelle du salarié doit être strictement proportionnée au but poursuivi.

Dans ces décisions du 8 mars, la Cour de cassation apporte de nouvelles précisions fondamentales en jugeant que :

  • L’examen de la preuve illicite ne sera recevable qu’à la condition que la partie qui s’en prévaut fasse expressément état de son droit à un procès équitable, dont peut être excipé le droit à la preuve. Faute de demande en ce sens, les juges ne se livreront pas à cette analyse et excluront des débats la preuve illicite.
  • L’employeur doit démontrer que l’examen de la preuve illicite est indispensable dans la mesure où il n’existe aucune autre preuve du comportement fautif du salarié. Par exemple, dans l’un des arrêts visés, l’employeur produisait des enregistrements de vidéosurveillance illicites, arguant que ceux-ci confirmaient des irrégularités révélées par un rapport d’audit qui n’avait néanmoins pas été versé aux débats. Dans ce contexte, la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, écarte les enregistrements de vidéosurveillance au motif que l’employeur disposait d’un autre moyen de preuve.

Obtenir la prise en compte d’une preuve obtenue illicitement ne sera donc pas simple dans les faits. En effet, les tribunaux pourraient écarter les preuves illicites en invoquant la possibilité pour l’employeur de présenter d’autres preuves ou en se retranchant derrière une atteinte à la vie personnelle du salarié disproportionnée par rapport au but recherché.


Preuve d’une inégalité salariale : le juge des référés peut ordonner la communication de bulletins de paie d’autres salariés

Dans une décision du 8 mars 2023 (n°21-12.492), la Cour de cassation rappelle qu’un employeur peut se voir ordonner la communication d’éléments susceptibles de porter atteinte à la vie personnelle de certains salariés si cela est indispensable pour rapporter la preuve d’une inégalité salariale.

Dans cette affaire, une salariée, considérant avoir été moins bien rémunérée que certains de ses anciens collègues, homologues masculins, sollicitait du juge des référés la transmission de leurs bulletins de paie sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile. Pour rappel, il s’agit d’une procédure par laquelle le juge peut ordonner des mesures d’instruction préalables permettant d’établir ou de conserver avant un procès au fond la preuve de faits dont peut dépendre la solution du litige.

Le conseil de prud’hommes, approuvé par la Cour d’appel, avait fait droit à cette demande et ordonné la communication sous astreinte à la salariée des bulletins de paie de huit salariés, leurs données personnelles étant occultées, à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.

L’employeur contestait cette décision, considérant que la communication des bulletins de paie n’était pas indispensable, la salariée produisant selon lui d’autres éléments laissant présumer une discrimination. Il faisait également valoir que cette communication portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des collègues de la salariée. Il n’a cependant pas obtenu gain de cause devant la Cour de cassation qui a considéré que la communication des bulletins de paie, bien que portant atteinte à la vie personnelle des salariés concernés, était indispensable pour rapporter la preuve de l’existence d’une inégalité salariale.


Communication sur le remplacement d’un salarié : attention au licenciement de fait

Dans un arrêt du 22 mars 2023 (n°21-21.104), la Cour de cassation approuve la Cour d’appel de Versailles ayant jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement « de fait » d’une journaliste en raison de la diffusion, au mois de juin 2016, d’un communiqué dont il ressortait qu’à la rentrée de septembre 2016 la salariée ne figurerait plus dans la grille des programmes et serait remplacée par un autre présentateur. Selon la Cour d’appel et la Cour de cassation, ce communiqué du mois de juin 2016 traduisait la manifestation d'une volonté claire et non équivoque de l’employeur de mettre fin au contrat de travail de la salariée, rendant le licenciement de cette dernière sans cause réelle et sérieuse.

Cette décision rappelle que les employeurs doivent faire preuve d’une vigilance accrue jusqu’à la notification du licenciement : les communications, internes comme externes, sur la composition du service auquel le salarié est affecté, ou encore la présentation d’un organigramme (même prospectif), ne doivent pas acter de la suppression du poste de l’intéressé ou sous-entendre son remplacement définitif avant l’envoi de la lettre de licenciement. L’envoi postérieur d’une lettre de rupture ne permettra pas de régulariser un licenciement de fait.

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