Droit Social | Sélection de jurisprudence – France | Second semestre 2023

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Cette newsletter présente cinq décisions de jurisprudence rendues au cours des derniers mois :

  • Motif économique de licenciement : les pertes d’exploitation doivent avoir un caractère sérieux et durable (Cass. soc., 18 octobre 2023, n°22-18.852 F-B)

Après avoir été licenciée pour motif économique, une salariée conteste la rupture de son contrat de travail.

La cour d’appel considère cependant son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. En effet, la lettre de licenciement invoquait les difficultés économiques du groupe se traduisant par des pertes depuis 3 ans, malgré un chiffre d’affaires en hausse.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation. Selon elle, la cour d’appel aurait dû rechercher si l’évolution des pertes d’exploitation – l’indicateur économique retenu ici – était significative. Elle estime que les difficultés invoquées n’étaient pas suffisantes pour démontrer le caractère sérieux et durable des pertes d’exploitation dans le secteur considéré. La Cour de cassation exige désormais que l’évolution de l’indicateur économique – autre que la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires - soit (i) sérieuse c’est-à-dire qu’il y ait une réelle évolution, exclusive de toute manipulation comptable ou financière et (ii) durable, c’est-à-dire que les difficultés ne soient pas temporaires, leur longévité devant être prévisible. En l’espèce, il aurait donc fallu que la Cour d’appel établisse en quoi ces difficultés économiques allaient se prolonger au-delà des trois ans.

  • Preuve : la preuve apportée par un « client mystère » est recevable dans le cadre d’une procédure de licenciement (Cass. soc., 6 septembre 2023, n°22-13.783 F-B)

Un salarié d’un restaurant libre-service sert, sans le savoir, un client mystère, qui relève un manquement à la procédure d’encaissement. Sur ce fondement, l’employeur déclenche une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié. Le salarié conteste alors son licenciement devant le conseil de prud’hommes, estimant la preuve apportée par un client mystère irrecevable.

Les juges d’appel considèrent le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse puisque la preuve du non-respect par le salarié des procédures d’encaissement mises en place dans l’entreprise était rapportée.

Ce raisonnement est approuvé par la Cour de cassation qui estime que, puisque le salarié avait été préalablement informé de la mise en œuvre au sein de l’entreprise du dispositif du « client mystère », qui permettait d’évaluer professionnellement les salariés et de contrôler leur activité, la preuve était licite et le licenciement valable.

  • Licenciement pour motif économique : le périmètre de l’obligation de reclassement ne s’arrête pas aux entreprises avec le même secteur d’activité (Cass. soc., 8 novembre 2023, n° 22-18.784) 

Un salarié a été licencié pour motif économique et conteste ce licenciement devant le conseil de prud’hommes.

Dans le cadre de son obligation de recherche d’un poste de reclassement, l’employeur se contente d’effectuer des recherches au sein des sociétés de son groupe appartenant au même secteur d’activité.

La Cour de cassation considère pour sa part que le périmètre à prendre en considération pour l’exécution de l’obligation de reclassement est l’ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité.

  • Convocation à entretien préalable : le fait qu’un salarié convoqué à un entretien préalable soit le seul représentant du personnel dans l’entreprise est assimilable à une absence de représentant du personnel (CE, 13 octobre 2023, n° 467113)

Un employeur a demandé à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier un salarié protégé, unique représentant du personnel de l’entreprise, ce que l’inspecteur a refusé. L’employeur a par la suite saisi le ministre du Travail d’un recours hiérarchique, mais celui-ci a également refusé d’accorder l’autorisation. Ils estimaient en effet qu’il y avait un vice de procédure résultant de l’absence de mention, dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, de la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié.

L’employeur a fait valoir que ce mode d’assistance n’est prévu que dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, ce qui n’était pas le cas ici puisqu’il y avait bien un représentant du personnel.

Le Conseil d’Etat valide le raisonnement et affirme que, lorsque le salarié concerné par la procédure disciplinaire est le seul représentant du personnel dans l’entreprise, cette situation est assimilable pour l’intéressé à celle d’une entreprise dépourvue de représentant du personnel. En ce cas la lettre de convocation doit donc mentionner la possibilité pour le salarié convoqué de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou par un conseiller du salarié.

  • Procédure disciplinaire : ne pas respecter une règle procédurale peut rendre un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 13 septembre 2023, n°21-25.830)

Une salariée licenciée pour faute grave conteste son licenciement devant le conseil de prud’hommes. Elle s’appuie pour cela sur le fait que le règlement intérieur de l’entreprise prévoit que l’employeur qui envisage de prendre une sanction doit informer le salarié concerné des griefs tenus contre lui dans la lettre de convocation à l’entretien préalable.

La cour d’appel déboute la salariée. Elle estime que la lettre de convocation faisait état de faits graves commis dans l’exercice de ses fonctions, ce qui respectait les exigences du règlement intérieur, le détail des faits en question étant développé lors de l’entretien préalable.

La Cour de cassation invalide ce raisonnement. Elle affirme que l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d'une garantie de fond. Pour la Cour de cassation cela rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse si cela prive la salariée de droits pour sa défense ou lorsque cela est susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur. Or, en l’espèce, en ne détaillant pas les griefs retenus à l’encontre de la salariée dans la lettre de convocation, l’employeur l’avait privée de la possibilité de préparer utilement sa défense, et avait donc porté atteinte à ses droits.

DISCLAIMER: Because of the generality of this update, the information provided herein may not be applicable in all situations and should not be acted upon without specific legal advice based on particular situations.

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