Projet de loi C-70 : Lourd fardeau de conformité du registre pour la transparence en matière d’influence étrangère

Blake, Cassels & Graydon LLP
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En réponse aux préoccupations soulevées par l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes, lesquelles ont fait couler beaucoup d’encre, le ministre de la Sécurité publique du Canada a présenté le projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère (le « projet de loi »). Le projet de loi propose un certain nombre de modifications majeures aux régimes mis en place au Canada pour contrer l’ingérence étrangère et renforcer la sécurité nationale. Il introduirait notamment des définitions de large portée susceptibles de poser plusieurs défis sur le plan de la conformité, que nous soulignons ci-après.

Le présent bulletin s’intéresse principalement à la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère ( la « Loi »), laquelle est présentée dans le projet de loi, au nouveau registre pour la transparence en matière d’influence étrangère (le « Registre ») qui serait créé en vertu de la Loi, ainsi qu’à certaines dispositions connexes du projet de loi.

Il convient de noter que le projet de loi propose également des modifications aux dispositions qui concernent les exigences en matière de preuve, les mandats et les interdictions pénales des régimes canadiens relatifs à l’ingérence étrangère et aux autorisations de sécurité. Nous présentons un résumé de ces modifications dans notre Bulletin Blakes complémentaire intitulé Projet de loi C-70 du gouvernement fédéral : Nouvelles infractions criminelles et procédures visant l’ingérence étrangère.

Le nouveau Registre

Le projet de loi prévoit la nomination d’un individu à titre de commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère (le « commissaire »). Le commissaire serait nommé par le Cabinet (comme c’est le cas pour le commissaire fédéral au lobbying) et ne serait pas un agent du Parlement.

Le rôle du commissaire serait de veiller à l’exécution et à l’application de la Loi ainsi que de superviser la création et le fonctionnement du Registre.

En vertu de la Loi, toute personne ayant conclu un « arrangement » avec un « commettant étranger » devrait, dans les 14 jours suivant la date de la conclusion de cet arrangement, fournir au commissaire les renseignements précisés dans les règlements à venir.

Or, il est important de savoir qu’au sens du projet de loi, « arrangement » et « commettant étranger » ont une bien vaste portée.

Définition de « commettant étranger »

Un « commettant étranger » s’entendrait d’une entité économique étrangère, d’une entité étrangère, d’un État étranger ou d’une puissance étrangère, au sens de la Loi sur la protection de l’information.

Cette définition inclurait donc un État étranger (ou son gouvernement, ou le gouvernement d’une subdivision politique), un groupe d’États étrangers (même, par exemple, un organisme régi par un traité dont le Canada est membre, comme l’OTAN) ou encore une entité contrôlée (en droit ou en fait) ou détenue par un État étranger ou un groupe d’États étrangers. Elle pourrait également comprendre des factions et des partis politiques étrangers, des groupes terroristes, une organisation exerçant ou censée exercer les fonctions d’un gouvernement (reconnue ou non), ainsi que toute personne agissant sur l’ordre de l’une ou l’autre des entités mentionnées précédemment, pour le profit d’une de celles-ci ou en collaboration avec l’une d’entre elles.

Cette définition de large portée pourrait de surcroît englober un large éventail d’acteurs commerciaux légitimes (même au-delà de ceux qui doivent nécessairement entretenir des relations directes avec les ambassades ou les États étrangers). Des entreprises publiques de télécommunication étrangères, des institutions financières, des sociétés énergétiques, des organismes gouvernementaux, des fonds souverains, des véhicules de placements, des autorités du secteur des infrastructures, des caisses de retraite et plus encore pourraient tous être visés par cette définition. Qui plus est, tous les agents de ces entités pourraient être visés.

Dans bien des cas, il pourrait être difficile, voire impossible, pour une personne canadienne de savoir si l’entité avec laquelle elle fait affaire est un « commettant étranger », au sens du projet de loi.

Définition d’« arrangement »

La définition d’« arrangement » est également large et comprendrait tout arrangement au titre duquel une personne s’engage à exercer, sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui, l’une ou l’autre des activités ci-après : communiquer avec le titulaire d’une charge publique; communiquer ou diffuser ou faire communiquer ou diffuser par quelque moyen que ce soit, notamment les médias sociaux, des renseignements relatifs au processus politique ou gouvernemental; distribuer de l’argent ou des objets de valeur, fournir des services ou mettre à disposition des installations.

La définition de « processus politique ou gouvernemental », à son tour, n’est pas exhaustive et comprendrait toute procédure d’un corps législatif; l’élaboration de propositions législatives; l’élaboration ou la modification d’orientations ou de programmes; la prise de décisions par le titulaire d’une charge publique ou un organisme gouvernemental (notamment l’attribution d’un marché); la tenue d’une élection ou d’un référendum; la nomination d’un candidat ou l’élaboration d’une plateforme électorale par un parti politique.

Cela pourrait englober un vaste éventail d’activités politiques. Voici quelques exemples des activités visées par le projet de loi :

  • Services financiers : Les institutions financières, les intermédiaires de marché, les courtiers et les entreprises de services monétaires devraient examiner attentivement toute activité effectuée (que ce soit à titre de courtier, de conseiller financier, de sous-traitant ou tout simplement de banquier) pour le compte de commettants étrangers. Toute organisation qui aiderait au transfert d’argent dans le cadre d’un processus politique ou gouvernemental (ce qui pourrait être pratiquement impossible à évaluer au cas par cas) serait tenue d’enregistrer l’entente et de divulguer l’activité en question.
  • Relations gouvernementales : Une société d’affaires publiques serait tenue de s’enregistrer lorsqu’elle agit pour un commettant étranger. Cette obligation s’ajouterait aux exigences d’enregistrement des lobbyistes et inclurait, par exemple, toute activité en lien avec l’approvisionnement et les circonscriptions, ou encore des projets fédéraux, provinciaux ou municipaux. Le projet de loi ne prévoit pas de dispense à l’égard des activités déjà enregistrées au titre du régime applicable aux lobbyistes, et ne tient pas compte des seuils ou des exemptions établis dans ce régime.
  • Relations publiques : Une entreprise de communications, de gestion de crise, de marketing ou de relations publiques serait tenue d’enregistrer tout mandat réalisé pour le compte d’un commettant étranger qui touche un processus politique ou gouvernemental, même s’il s’agit uniquement de fournir des services-conseils. Cela pourrait comprendre une activité aussi courante que des placements publicitaires sur les médias sociaux.
  • Services professionnels : Les comptables, les avocats et les autres conseillers professionnels seraient tenus d’enregistrer tous les mandats réalisés relativement à des décisions gouvernementales ou à des questions politiques pour le compte de commettants étrangers, sans égard aux obligations de confidentialité et de secret professionnel. Fait à noter, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne tient pas compte du privilège des communications entre client et avocat.
  • Services relatifs aux médias : Les médias et les plateformes numériques (y compris les entreprises de médias sociaux, les médias traditionnels et les organismes de presse, voire les moteurs de recherche) devraient déterminer s’ils sont tenus d’enregistrer les engagements conclus avec des commettants étrangers, y compris relativement à l’achat par ces derniers de publicités.

Éléments à déclarer

Des précisions quant à ce qui devrait être déclaré au commissaire et divulgué dans le Registre seront données dans les règlements à venir. Toutefois, nous nous attendons à ce que le Registre contienne au moins le nom de la personne inscrite, l’identité de son commettant étranger, le processus politique ou gouvernemental qu’elle cherche à influencer et les méthodes utilisées pour influencer. Des mises à jour régulières seraient également exigées.

Sanctions en cas de manquement aux obligations de divulgation

La Loi prévoit des sanctions administratives, soit des amendes maximales de 5 M$ CA et un emprisonnement maximal de cinq ans. Le commissaire disposerait de vastes pouvoirs d’enquête (y compris le pouvoir d’assigner devant lui des témoins et de les enjoindre à déposer des éléments de preuve, et d’inculper ceux qui feraient entrave à une enquête ou feraient de fausses déclarations). La Loi prévoit une défense fondée sur les précautions voulues, qui pourrait bien se révéler essentielle pour les entreprises commerciales.

Prochaines étapes

La Loi laisse ouverte la possibilité que certaines catégories de personnes qui entrent par ailleurs dans la catégorie des « commettants étrangers » et que certaines catégories d’arrangements puissent faire l’objet de dispenses. En revanche, le gouvernement a indiqué que les services professionnels, y compris les avocats, ne seront pas exemptés des exigences d’enregistrement. Le gouvernement a également indiqué qu’il s’attend à ce que le nouveau commissaire, une fois nommé, élabore des lignes directrices détaillées sur la Loi.

Compte tenu de la portée très large des définitions et des sanctions extrêmement sévères prévues dans la Loi, il sera important de surveiller de près l’avancement du projet de loi (qui fera éventuellement l’objet d’un examen en comité) et de prendre connaissance des règlements qui seront pris en application de la Loi (lorsqu’ils seront publiés). Les organisations et les associations sectorielles qui estiment qu’elles pourraient être touchées défavorablement sont invitées à communiquer avec nous pour discuter de leurs options.

DISCLAIMER: Because of the generality of this update, the information provided herein may not be applicable in all situations and should not be acted upon without specific legal advice based on particular situations.

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