Présentation de certaines mesures fiscales prévues dans le projet de loi C-59 du Canada

Blake, Cassels & Graydon LLP
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Points saillants

Le 28 novembre 2023, le ministère des Finances (le « ministère ») a déposé un avis de motion de voies et moyens visant à mettre en œuvre la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, qui a ensuite été présenté en première lecture au Parlement le 30 novembre 2023 sous la forme du projet de loi C-59. Le projet de loi C-59 contient des propositions législatives rattachées à de nombreuses mesures qui ont été annoncées précédemment par le Parlement et par la ministre des Finances, mais qui n’ont pas encore été promulguées, comme les propositions législatives présentées par le ministère le 29 avril 2022 (les « propositions d’avril 2022 »), les propositions présentées dans le budget fédéral de 2023 (le « Budget 2023 »), les propositions législatives présentées par le ministère le 4 août 2023 (les « propositions d’août 2023 »), ainsi que les mesures annoncées dans l’Énoncé économique de l’automne (l’« ÉÉA de 2023 »), lequel a été publié par le gouvernement fédéral le 21 novembre 2023. La totalité ou la quasi-totalité du projet de loi C-59 sera probablement adoptée avant la fin de 2023. Certains volets, toutefois, notamment les propositions relatives à la Loi sur la taxe sur les services numériques, bien qu’adoptés, pourraient entrer en vigueur à une date ultérieure.

Pour en savoir davantage sur les propositions d’avril 2022, veuillez consulter notre Bulletin Blakes intitulé Budget fédéral 2022 – Présentation de certaines mesures fiscales; sur le Budget 2023, notre Bulletin Blakes intitulé Budget fédéral 2023 : Présentation de certaines mesures fiscales; sur les propositions d’août 2023, notre Bulletin Blakes intitulé Propositions législatives du 4 août 2023 : Présentation de certaines mesures fiscales; et, enfin, sur l’ÉÉA de 2023, notre Bulletin Blakes intitulé Énoncé économique de l’automne de 2023 : Présentation de certaines mesures fiscales.

Le projet de loi C-59, de portée assez vaste, est divisé en cinq parties. La partie 1 comprend diverses mesures liées à l’impôt canadien ainsi que des mesures connexes. Elle porte, entre autres, sur ce qui suit :

  • la règle générale anti-évitement (« RGAE »);

  • l’impôt sur le rachat d’actions (« IRA »);

  • les règles relatives à la restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (« RDEIF »);

  • les dispositifs hybrides;

  • la déduction des dividendes reçus par des institutions financières;

  • les sociétés privées sous contrôle canadien (« SPCC ») en substance;

  • les crédits d’impôt à l’investissement (« CII ») pour l’énergie propre;

  • les transferts intergénérationnels d’entreprises;

  • les fiducies collectives d’employés (« FCE »).

La majeure partie du présent bulletin concerne les modifications qui sont proposées à la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») et dont il est question dans la partie 1 du projet de loi C-59.

Parmi les nombreux éléments à retenir dans la partie 1, notons que le projet de loi C-59 pourrait apporter un certain soulagement aux contribuables, en raison de l’assouplissement des propositions qui touchent l’IRA par rapport à leur version précédente et d’une espèce de retour en arrière quant à la portée de la RGAÉ, dans sa version révisée.

La partie 2 du projet de loi C-59 concerne la Loi sur la taxe sur les services numériques (la « Loi sur la TSN »), laquelle sera adoptée à une date ultérieure non précisée qui sera annoncée par le gouvernement, mais qui ne devrait pas tomber avant le 1er janvier 2024. Même si l’adoption de la Loi sur la TSN était retardée, une fois cette loi en vigueur, la taxe sur les services numériques (la « TSN ») devrait s’appliquer pour l’année de l’entrée en vigueur relativement aux revenus gagnés à compter du 1er janvier 2022.

La partie 3 du projet de loi C-59 contient diverses mesures relatives à la TPS et à la TVH; la partie 4 porte sur des mesures relatives à l’accise ainsi que des mesures connexes; et la partie 5 concerne des mesures non liées à l’impôt.

Malgré la relative envergure du projet de loi C-59, ce dernier ne comprend pas de propositions législatives rattachées aux mesures fiscales annoncées précédemment qui intéressent particulièrement les contribuables, comme les modifications prévues au régime de l’impôt minimum de remplacement pour les particuliers à revenu élevé (malgré le fait qu’il avait été annoncé antérieurement que ces modifications s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2024), les mesures proposées en lien avec le pilier deux de l’OCDE en ce qui a trait à l’impôt minimum mondial (ou, plus précisément, les mesures proposées par le gouvernement du Canada au sujet de la Loi de l’impôt minimum mondial) ou encore les règles visant à empêcher les SPCC de reporter de l’impôt à l’aide de sociétés résidant à l’étranger.

Veuillez consulter notre Bulletin Blakes sur les propositions d’août 2023 pour en savoir davantage à propos des propositions relatives à l’impôt minimum de remplacement et au pilier deux, et notre Bulletin Blakes sur le Budget 2022 pour en savoir davantage au sujet des propositions relatives aux SPCC.

Du reste, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a annoncé le 28 novembre 2023 qu’elle avait l’intention de mettre à jour les lignes directrices applicables au calcul du revenu protégé en vertu de l’article 55 de la LIR. Les lignes directrices à jour quant au calcul du revenu protégé s’appliqueraient à compter de cette date.

Enfin, il n’est pas non plus question dans le projet de loi C-59 des modifications qui avaient été proposées au paragraphe 212(13.1) de la LIR (le 9 août 2022). Ces modifications, si elles étaient adoptées dans leur forme proposée, pourraient, dans certaines circonstances, assujettir des paiements effectués à des non-résidents du Canada par une société en commandite ayant des associés canadiens à une retenue d’impôt pour les non-résidents du Canada, même si les activités de la société en commandite (y compris de son commandité ou promoteur) et les investissements de celle-ci n’ont aucun lien avec le Canada. Il est à espérer que le ministère examinera de nouveau ces modifications proposées, puisque leur portée pourrait être plus large que le but visé par ces modifications au départ.

TABLE DES MATIÈRES

Mesures visant l’impôt sur le revenu des entreprises

  • Règle générale anti-évitement (« RGAÉ »)

  • Impôt sur le rachat d’actions (« IRA »)

  • Règles relatives à la restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (« RDEIF »)

  • Dispositifs hybrides

  • Déduction des dividendes reçus par les institutions financières

  • Sociétés privées sous contrôle canadien en substance

  • Énergie propre

Mesures visant l’impôt sur le revenu des particuliers

  • Transferts intergénérationnels d’entreprises

  • Fiducies collectives d’employés (« FCE »)

Mesures visant la fiscalité internationale

  • Taxe sur les services numériques (« TSN »)

Autres mesures fiscales

  • Compte d’épargne libre d'impôt pour l’achat d'une première propriété (« CELIAPP »)

  • TPS/TVH et taxe sur les logements sous-utilisés

  • Développements en matière de fiscalité en dehors du projet de loi C-59 – Dépouillement des gains en capital (article 55 de la LIR)

MESURES VISANT L’IMPÔT SUR LE REVENU DES ENTREPRISES

Règle générale anti-évitement (« RGAÉ »)

Le ministère a proposé une première série de modifications à la RGAÉ dans le Budget 2023, puis une deuxième série dans les propositions d’août 2023. Le projet de loi C-59 maintient l’approche introduite dans le Budget 2023 et dans les propositions d’août 2023, mais il ajoute des modifications importantes, en particulier aux dispositions relatives au « manque considérable de substance économique ». Un aperçu de ces nouvelles modifications est donné ci-après, ainsi qu’un bref résumé des principales modifications à la RGAÉ qui ont été présentées dans des propositions antérieures.

Rappelons d’abord que trois éléments doivent être présents pour que la RGAÉ s’applique, soit : un avantage fiscal, une opération d’évitement et un recours abusif à une disposition pertinente de la LIR ou à d’autres textes législatifs. Lorsque la RGAÉ s’applique, les attributs fiscaux d’une opération d’évitement peuvent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de manière à supprimer un « avantage fiscal » qui serait par ailleurs réalisé.

Préambule

Dans le Budget 2023, le ministère proposait d’ajouter un préambule en trois volets qui décrirait la portée de la RGAÉ en termes généraux, dans le but d’aider à régler les questions d’interprétation et de s’assurer que la RGAÉ s’applique comme prévu. Dans les propositions d’août 2023, le ministère a proposé de supprimer un volet qui prévoyait expressément que la RGAÉ pouvait s’appliquer peu importe « qu’une stratégie fiscale ait été ou non prévue ». Le ministère a supprimé ce volet à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Deans Knight Income Corp. c. Canada, qui a « depuis expliqué et confirmé que la RGAÉ ne se limite pas aux situations imprévues ».

Les modifications présentées dans le projet de loi C-59 concernant le préambule sur la RGAÉ ne s’écartent pas de ce qui avait été présenté dans les propositions d’août 2023.

Abus : Substance économique

Dans le Budget 2023, il était proposé d’introduire une nouvelle règle d’interprétation de la substance économique pour ce qui est du critère de l’« abus ». Lorsqu’une opération d’évitement manque « considérablement de substance économique », il était indiqué dans le Budget 2023 qu’« il en ressort normalement » un abus susceptible de déclencher l’application de la RGAÉ. Les propositions d’août 2023 remplaçaient le passage « il en ressort normalement » par une présomption d’abus; or, le projet de loi C‑59 fait état d’un retour quelque peu inattendu à une formulation similaire à celle qui était proposée dans le Budget 2023.

En fait, le projet de loi C-59 précise qu’une opération d’évitement qui manque considérablement de substance économique « est un facteur important » qui « tend à indiquer » que l’opération en question constitue un abus. Cette reformulation du libellé législatif proposé témoigne d’une préoccupation selon laquelle la substance économique des opérations faisant l’objet d’un examen ne serait pas suffisamment prise en compte par les tribunaux dans l’analyse de la RGAÉ. Cette nouvelle formulation donne également à penser que le ministère souhaiterait surtout s’assurer qu’un manque considérable de substance économique sera considéré comme un facteur important dans le cadre de l’analyse visant à déterminer si une opération d’évitement constitue un abus à l’avenir, et n'entendrait pas nécessairement transférer au contribuable le fardeau d’établir l’absence d’un abus, sachant qu’actuellement la Couronne a le fardeau d’établir l’existence d’un abus.

Selon la jurisprudence canadienne, il incombe à la ministre du Revenu national (la « ministre du Revenu national ») de prouver l’existence d’un abus, et non au contribuable de prouver l’absence d’un abus. Or, aux termes des modifications proposées à la RGAÉ, lorsqu’une opération d’évitement manquerait considérablement de substance économique, on pourrait penser que le fardeau serait vraisemblablement transféré au contribuable. Toutefois, une précision utile est apportée dans les notes explicatives qui accompagnent le projet de loi C-59 (les « Notes explicatives ») quant au fait qu’une formulation similaire à celle utilisée dans le Budget est proposée dans le projet de loi C-59, plutôt que la présomption qui avait été introduite dans les propositions d’août 2023. Selon les Notes explicatives, ce retour en arrière ne devrait pas être « interprété simplement comme un changement procédural qui transférerait le fardeau de prouver l’abus de la Couronne au contribuable ». Il est signalé dans les Notes explicatives que « dans le cas d’un manque de substance économique, le point de départ serait la présence d’abus ». Il est ajouté que « selon les faits et le droit pertinents, d’autres considérations peuvent démontrer que l’opération ne contrecarre pas véritablement la raison d’être des dispositions », sans toutefois aborder spécifiquement la question du fardeau de la preuve. Par conséquent, il semble que le fardeau associé au troisième volet de la RGAÉ qui incombe à la ministre du Revenu national selon la jurisprudence passée ne serait pas transféré au contribuable (tant en ce qui concerne la question de la substance économique que les autres considérations liées au critère de l’abus, du fait des effets des nouveaux paragraphes 245(4.1) et (4.2)). Quoi qu’il en soit, on ne sait pas exactement quelle importance pratique sera accordée à cet aspect du projet de loi C-59 en ce qui a trait aux opérations d’évitement considérées comme manquant considérablement de substance économique.

En outre, le paragraphe 245(4.1) donne à penser que le manque considérable de substance économique constitue un « point de départ » pour la présence d’un abus. Les praticiens avisés (et les tribunaux) devront tout de même, pratiquement dans toutes les circonstances, entreprendre correctement l’analyse classique en deux volets du critère de l’abus établie depuis longtemps par la jurisprudence. De fait, dans les Notes explicatives, il est recommandé qu’une « analyse plus rigoureuse » soit réalisée « afin de s’assurer que les opérations correspondent à l’objet et au but des règles pertinentes (ou ne les contrecarrent pas), y compris au régime des règles pertinent dans lequel se trouvent les règles particulières sur lesquelles on s’appuie ». Selon le document de consultation sur la RGAÉ publié par le ministère au mois d’août 2022, le gouvernement envisageait de transférer le fardeau au contribuable afin que ce dernier démontre que l’opération ou la série d’opérations est « conforme » à l’objet et à l’esprit des dispositions sur lesquelles il s’appuie. Toutefois, certains commentateurs craignaient que la barre soit trop élevée et ont fait remarquer qu’il était possible qu’une opération ou une série d’opérations ne soit pas conforme à l’objet et à l’esprit des dispositions invoquées, sans toutefois contrecarrer ces dernières. L’ajout de la parenthèse « (ou ne les contrecarrent pas) » dans les Notes explicatives confirme que la barre n’est pas aussi élevée que ces commentateurs le craignaient.

Le Budget 2023 proposait également d’ajouter à la LIR le paragraphe 245(4.2), afin d’établir les facteurs à prendre en compte pour déterminer si une opération ou une série d’opérations manque considérablement de substance économique. Les propositions d’août 2023 avaient introduit un facteur supplémentaire, soit le recours à une partie accommodante qui fait en sorte que la totalité des possibilités pour le contribuable de réaliser des gains ou des bénéfices et de subir des pertes à la suite de l’opération ou de la série d’opérations reste inchangée. Le projet de loi C-59 ajoute quant à lui une exclusion à ce dernier facteur, lequel porte sur la possibilité de réaliser des gains ou des bénéfices et de subir des pertes, en précisant que l’analyse de celui-ci ne tiendrait pas compte de cette possibilité à l’égard des contribuables ayant un lien de dépendance et ayant des intérêts économiques largement opposés à ceux du contribuable en question. Les Notes explicatives précisent que l’exception pour les personnes sans lien de dépendance qui ont des intérêts opposés vise à traiter des situations dans lesquelles des contribuables ont un lien de dépendance au sens du paragraphe 251(1) (peut-être parce qu’ils sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance en vertu de la loi), mais « opèrent tout de même séparément sur le plan économique et [peuvent] avoir des intérêts ou des motivations largement contraires » avec le contribuable dont l’opération fait l’objet d’un examen. Ce changement est bien accueilli, car il arrive assez souvent que deux contribuables qui sont réputés avoir un lien de dépendance en vertu de la LIR en raison de leur lien familial ne se seraient pas engagés dans des opérations entre eux jugées comme manquant considérablement de substance économique si leurs intérêts économiques distincts avaient été pris en compte de façon appropriée.

Une autre modification introduite par le projet de loi C-59 est que l’analyse relative au manque considérable de substance économique pour le critère de l’abus s’applique à une opération d’évitement ou à « une série d’opérations qui comprend l’opération d’évitement ». Le texte de la disposition n’est peut-être pas entièrement clair, mais les Notes explicatives indiquent que, lorsqu’une opération fait partie d’une série, le fait d’analyser la série dans son ensemble donnerait habituellement la meilleure optique pour éviter qu’il soit déterminé à tort qu’une opération manque considérablement de substance économique, surtout lorsque l’opération fait partie intégrante d’une opération commerciale véritable. Toutefois, les Notes explicatives signalent que, dans certains cas, une opération peut être évaluée de façon indépendante, même si elle fait partie d’une série d’opérations, et que la série en question a une substance économique. Les Notes explicatives donnent comme exemple une réorganisation interne qui viserait à augmenter le prix de base d’un actif, lequel serait éventuellement vendu à une partie sans lien de dépendance, auquel cas la réorganisation devrait être évaluée séparément puisqu’elle ne ferait pas partie intégrante de la vente qui suivrait. Les Notes explicatives ajoutent que le critère de substance économique vise à fournir « une souplesse pour l’évaluation globale et logique des circonstances et des faits pertinents ». Cette approche « globale » pourrait créer de l’incertitude pour les contribuables, lesquels pourraient ignorer quand il convient d’évaluer une opération seule ou une série dans son ensemble et, au moment d’évaluer individuellement les opérations d’une série, ignorer quelles opérations particulières de la série il convient d’évaluer. Cette incertitude pourrait certainement entraîner des litiges dans l’avenir. La création d’une telle incertitude semble par ailleurs aller à l’encontre de l’un des objectifs de la RGAÉ tels qu’énoncés dans le préambule proposé, qui est d’établir un équilibre entre, à la fois, la protection de l’assiette fiscale et de l’équité du régime fiscal, et le besoin de certitude des contribuables dans la planification de leurs affaires.

Opération d’évitement

Le projet de loi C-59 n’apporte pas de modifications à la définition d’« opération d’évitement » proposée dans le Budget 2023 et modifiée dans les propositions d’août 2023.

Pénalité

Le projet de loi C-59 modifie la pénalité introduite dans le Budget 2023 relativement aux opérations qui ne sont pas divulguées à la ministre conformément aux règles relatives aux opérations à déclarer et aux opérations à signaler. Pour en savoir davantage sur ces règles, veuillez consulter notre Bulletin Blakes d’avril 2023 intitulé Le point sur les déclarations obligatoires : le ministère des Finances introduit des règles mises à jour. Pour en savoir davantage sur les lignes directrices publiées par l’ARC relativement à l’application et l’administration de ces règles, veuillez notamment consulter notre Bulletin Blakes de juillet 2023 intitulé L’Agence du revenu du Canada publie ses lignes directrices sur les règles de divulgation obligatoire et notre Bulletin Blakes de novembre 2023 intitulé L’ARC désigne les opérations à signaler et met à jour les lignes directrices en matière de divulgation obligatoire.

La pénalité proposée dans le Budget 2023 aurait correspondu à 25 % du montant de l’avantage fiscal (autre qu’un avantage fiscal découlant de la création d’attributs fiscaux inutilisés). Le projet de loi C-59 modifie cette disposition en y incluant explicitement 25 % du montant de la hausse de l’impôt à payer d’une personne et du montant par lequel les crédits d’impôt remboursables d’une personne sont réduits par suite de l’application de la RGAÉ.

Entrée en vigueur

Il est proposé que les modifications apportées à la RGAÉ concernant la définition d’« opération d’évitement » et les modifications apportées à l’analyse de la substance économique s’appliquent aux opérations qui seront réalisées à compter du 1er janvier 2024.

Il est par ailleurs proposé que les modifications apportées aux dispositions relatives à la pénalité s’appliquent aux opérations qui auront lieu à compter du 1er janvier 2024 ou, si cette date est ultérieure, à la date à laquelle le projet de loi C-59 aura reçu la sanction royale.

Impôt sur le rachat d’actions (« IRA »)

Le projet de loi C-59 comprend un certain nombre de modifications bien accueillies concernant l’IRA, par rapport aux propositions d’août 2023.

Comme nous l’avons mentionné dans des Bulletins Blakes qui portaient sur le Budget 2023 et sur les propositions d’août 2023, l’IRA est un impôt proposé qui correspondrait à 2 % de la valeur nette des rachats de capitaux propres effectués par des sociétés publiques et d’autres entités « visées », comme il est décrit ci-dessous. La valeur nette des rachats de capitaux propres est généralement égale à la juste valeur marchande totale des capitaux propres (à l’exception des titres de capitaux propres qui satisfont à la définition de « dette substantielle », comme il est décrit ci-après) de l’entité visée qui sont rachetés, acquis ou annulés au cours de l’année d’imposition applicable, moins la juste valeur marchande totale des capitaux propres (sauf une dette substantielle) de l’entité visée qui sont émis au cours de l’année d’imposition en question.

Outre les sociétés publiques (sauf les sociétés de placement à capital variable), la définition du terme « entité visée » au sens des propositions d’août 2023 comprend une fiducie ou une société de personnes dont les titres sont inscrits en bourse qui (1) est une fiducie de placement immobilier (une « FPI »), (2) est une fiducie intermédiaire de placement déterminée (une « FIPD »), ou une société de personnes intermédiaire de placement déterminée (« SPIPD ») ou (3) serait une FIPD ou une SPIPD si, en général, les mentions du Canada dans la définition du terme « bien hors portefeuille » étaient supprimées. La troisième catégorie a donné lieu à un problème technique dans la mesure où une entité visée pouvait inclure un fonds négocié en bourse (« FNB ») canadien dont plus de 50 % de la valeur des capitaux propres provenait d’actions de sociétés (autres que des sociétés canadiennes imposables) et de parts de fiducies ou de sociétés de personnes (autres que des fiducies canadiennes admissibles à titre de FPI ou d’EIPD et autres que des sociétés de personnes intermédiaires de placement déterminées) dont plus de 50 % de la valeur provenait de biens immeubles situés partout dans le monde. Ce problème technique serait maintenant résolu pour la plupart des FNB, puisque le projet de loi C-59 prévoit une exception selon laquelle une fiducie de fonds commun de placement ayant une ou plusieurs catégories de parts en distribution continue ne serait pas une entité visée à moins qu’elle ne soit une FPI ou une fiducie intermédiaire de placement déterminée.

Du reste, le projet de loi C-59 apporte un certain nombre de modifications utiles au calcul de l’IRA.

Conformément aux règles relatives à l’IRA, un rachat de titres de capitaux propres survenant dans le cadre d’une « opération de réorganisation ou d’acquisition » (une « ORA ») n’est pas pris en compte dans le calcul de l’IRA. Dans les propositions d’août 2023, une ORA était définie de façon à inclure un rachat lors d’un échange de capitaux propres par une entité visée pour aucune contrepartie autre que des capitaux propres (qui ne comprennent aucune dette substantielle) de l’entité visée (ou de certains membres du même groupe qu’elle qui sont eux-mêmes des entités visées). Le projet de loi C-59 élargit ce volet de la définition d’une ORA en y incluant une opération par laquelle les capitaux propres d’une entité visée sont échangés contre une combinaison de capitaux propres de l’entité visée (ou de certains membres du même groupe qu’elle) et d’une contrepartie autre que des capitaux propres (c.-à.-d. un complément). En raison de cette modification utile, le calcul de l’IRA est maintenant élargi de manière à tenir compte du montant du complément reçu lors d’un tel échange.

En outre, aux termes des règles relatives à l’IRA, les capitaux propres d’une entité visée qui sont acquis par une « entité affiliée déterminée ») sont réputés acquis par l’entité visée aux fins du calcul de l’IRA, sous réserve de certaines exceptions précises. Toutefois, aux termes des propositions d’août 2023, la disposition de ces capitaux propres par une entité affiliée déterminée ne réduisait pas l’IRA, ce qui semblait inapproprié sur le plan de la politique fiscale. Le projet de loi C-59 règle cette question en proposant de réduire l’IRA pour tenir compte d’une disposition de titres de capitaux propres d’une entité visée effectuée par une entité affiliée déterminée de l’entité visée (à l’exception d’une disposition effectuée en faveur de l’entité visée ou d’une autre entité affiliée déterminée de l’entité visée) si l’acquisition des titres de capitaux propres était auparavant incluse dans le calcul du montant de l’IRA payé par l’entité visée.

Les propositions d’août 2023 prévoyaient que seules certaines émissions de titres de capitaux propres par une entité visée seraient prises en compte afin de réduire le calcul de l’IRA (généralement, les émissions effectuées (i) uniquement en contrepartie d’une somme d’argent; (ii) à un employé dans le cadre de son emploi ou (iii) à la conversion d’une dette convertible émise uniquement en contrepartie d’une somme d’argent). Le projet de loi C-59 propose d’élargir la portée aux émissions de titres de capitaux propres effectuées en échange de « biens » lorsque ces derniers sont utilisés dans le cadre de l’entreprise exploitée activement de l’entité visée concernée.

Le projet de loi C-59 élargit également la définition d’« ORA », soit les rachats qui n’augmenteront pas le montant de l’IRA payable par une entité visée, afin qu’elle comprenne (i) le rachat de parts d’une fiducie d'investissement à participation unitaire effectué par le porteur de parts, à condition que le prix de rachat ne dépasse pas la juste valeur marchande des parts rachetées, et (ii) le rachat de titres de capitaux propres par suite de l’exercice d’un droit de dissidence prévu par une loi. La première de ces exceptions devrait être particulièrement utile dans le contexte des restructurations de FPI.

Les rachats et les émissions de « dette substantielle » ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’IRA. Aux termes des propositions d’août 2023, pour être admissibles à titre de dette substantielle, les capitaux propres devaient satisfaire quatre critères, lesquels sont abordés dans notre bulletin sur les propositions d’août 2023.

Le projet de loi C-59 élargit le critère selon lequel les titres de capitaux propres ne doivent pas conférer de droit de vote en précisant que les titres de capitaux propres ne doivent conférer aucun droit de vote relativement à l’élection des membres du conseil d’administration, des fiduciaires ou du commandité de l’entité visée, selon le cas, sauf en cas d’inexécution des conditions des capitaux propres. Cette modification indique notamment que les actions privilégiées qui confèrent aux porteurs le droit de voter en cas de défaut de l’émetteur de verser des dividendes pendant une certaine période pourraient être admissibles à titre de dette substantielle.

Le projet de loi C-59 apporte également une modification utile au critère relatif au coupon sur les titres de capitaux propres, en supprimant l’exigence selon laquelle les dividendes ou les autres distributions doivent être exprimés en pourcentage, ce qui indique que les actions privilégiées donnant droit à un dividende, dont le montant précis est indiqué en dollars dans les modalités afférentes à ces actions (plutôt qu’en pourcentage du prix d’émission), pourraient être admissibles à titre de dette substantielle.

Enfin, le projet de loi C-59 propose d’ajouter un nouveau critère portant sur un prix de rachat fixe, afin de signaler que des titres de capitaux propres pourraient être admissibles à titre de dette substantielle même si leur valeur a fluctué en raison de la variation du taux de change entre la monnaie dans laquelle ils sont libellés et le dollar canadien. Cette modification signale que les actions privilégiées qui sont libellées dans une autre monnaie que le dollar canadien pourraient être admissibles à titre de dette substantielle malgré le fait que tous les montants doivent être calculés en dollars canadiens aux fins de la LIR (en l’absence d’une autre monnaie fonctionnelle désignée), une situation pouvant faire en sorte que les capitaux propres sont rachetés à un montant supérieur à leur prix d’émission (une fois converti en dollars canadiens).

Règles de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (« RDEIF »)

Le projet de loi C-59 prévoit des propositions visant les règles de RDEIF révisées (les « propositions relatives aux règles de RDEIF révisées ») qui avaient été annoncées initialement dans le Budget 2021. Pour en savoir davantage, consultez notre Bulletin Blakes intitulé Budget fédéral 2022 – Présentation de certaines mesures fiscales. Les règles de RDEIF limitent généralement les déductions de « dépenses d’intérêts et de financement » (les « DIF ») d’un contribuable à un montant qui correspond à 30 % du « revenu imposable ajusté » pour les années d’imposition commençant le 1er janvier 2024 ou après cette date (ou à 40 % pour les années d’imposition commençant le 1er octobre 2023 ou après cette date, mais avant 2024).

Les propositions relatives aux règles de RDEIF révisées constituent la quatrième version des règles de RDEIF, lesquelles avaient fait l’objet de propositions législatives publiées le 4 février 2022, le 3 novembre 2022 et le 4 août 2023 (les « propositions relatives aux règles de RDEIF précédentes »). Pour connaître notre analyse des propositions relatives aux règles de RDEIF précédentes, consultez notre Bulletin Blakes de février 2022 intitulé Le ministère des Finances (Canada) publie d’importantes propositions législatives liées à l’impôt et notre Bulletin Blakes intitulé Propositions législatives du 4 août 2023 : Présentation de certaines mesures fiscales.

Les propositions relatives aux règles de RDEIF révisées introduisent diverses modifications techniques mineures. Les principales modifications sont décrites ci-après.

Exigence relative à la production de déclarations de revenus

Comme il avait été annoncé dans les propositions relatives aux règles de RDEIF précédentes, les contribuables seraient tenus de produire un formulaire prescrit avec leur déclaration d’impôt sur le revenu pour calculer la partie des DIF (s’il y a lieu) qui serait non déductible aux termes des règles de RDEIF. Les propositions relatives aux règles de RDEIF révisées précisent maintenant que les renseignements prescrits figurant sur ce formulaire produit par le contribuable ont pour but de « déterminer la déductibilité de ses [DIF] et [de] déterminer ses [DIF] exonérées ».

Cela pourrait laisser entendre que le défaut de produire un tel formulaire ferait en sorte que certaines DIF ne seraient pas déductibles et que certains montants ne seraient pas comptabilisés à titre de DIF exonérées. L’ARC a l’autorité d’établir, après la période normale de nouvelle cotisation, des cotisations à l’égard de tout contribuable qui omet de produire ce formulaire ou dont le formulaire comporte des omissions présumées importantes.

Entités exclues

Un contribuable qui est une « entité exclue » n’est pas assujetti aux règles de RDEIF. De telles entités comprennent les sociétés et les fiducies, ainsi que les groupes de sociétés et de fiducies, dont la totalité ou la quasi-totalité des activités sont menées au Canada et dont les participations dans des sociétés affiliées sont en deçà d’un seuil minimal de 5 M$ CA (sur une base de valeur comptable et de juste valeur marchande), entre autres. Les propositions relatives aux règles de RDEIF révisées modifieraient le calcul de la valeur comptable des participations dans des sociétés étrangères affiliées de manière à viser également toutes les sociétés étrangères affiliées du groupe de sociétés d’un contribuable, et pas seulement les sociétés étrangères affiliées de ce dernier. Elles modifieraient aussi le calcul de la juste valeur marchande des participations dans des sociétés étrangères affiliées pour inclure la part proportionnelle du groupe dans la juste valeur marchande des biens des sociétés étrangères affiliées du groupe, plutôt que la totalité de la juste valeur marchande des biens des sociétés étrangères affiliées du contribuable.

Règles transitoires

Le régime de RDEIF comporte des règles transitoires permettant à un contribuable de choisir, conjointement avec les membres de son groupe, de faire appliquer des règles spéciales pour déterminer sa capacité excédentaire (et celle de chacun des membres de son groupe) pour chacune des trois années d’imposition précédant immédiatement la première année d’imposition relativement à laquelle s’applique le régime de RDEIF. Ces règles permettraient aux contribuables ayant fait le choix susmentionné de se prévaloir d’un report prospectif triennal de leur capacité excédentaire pour ces années précédant l’application du régime de RDEIF (en l’absence d’un tel choix, aucun report ne sera permis). De façon générale, ces règles transitoires visent à établir approximativement ce qui aurait été la fraction inutilisée de la capacité excédentaire d’un contribuable si les règles de RDEIF s’appliquaient relativement aux années antérieures au régime.

Les propositions relatives aux règles de RDEIF révisées prévoient que les contribuables peuvent faire des choix modifiés relativement aux règles transitoires, soit de plein de droit lorsqu’une nouvelle cotisation subséquente pourrait par ailleurs invalider le choix, soit avec la permission discrétionnaire de l’ARC. Cette modification tient compte du fait que des événements ultérieurs, tels que des reports rétrospectifs de pertes ou d’autres nouvelles cotisations, peuvent modifier les montants pertinents pour la détermination de la capacité excessive reportée aux termes des règles transitoires. Ces règles permettant des choix produits en retard ou modifiés ressemblent à celles qui s’appliquent aux choix relatifs aux transferts de la capacité excédentaire à d’autres membres d’un même groupe.

Dépenses d’intérêts et de financement

Aux termes des propositions relatives aux règles de RDEIF précédentes, les DIF d’un contribuable étaient généralement réduites des sommes reçues (ou des gains réalisés) par le contribuable aux termes d’une convention visant à couvrir soit le coût de financement relatif à un emprunt ou à un autre financement, soit un emprunt ou un autre financement. Les propositions relatives aux règles de RDEIF révisées élargiraient la portée de cette réduction pour que les sommes reçues (ou les gains réalisés) par un contribuable aux termes d’un emprunt ou d’un autre financement, et non seulement aux termes d’une convention connexe à un tel emprunt ou autre financement, puissent également réduire les DIF du contribuable. Les sommes doivent être incluses dans le calcul du revenu du contribuable et être raisonnablement considérées comme réduisant le coût de financement relatif à l’emprunt ou à un autre financement. Selon les Notes explicatives, cela a pour but de permettre que les gains imposables réalisés sur le remboursement d’un emprunt ou d’un autre financement (tel qu’un gain sur change) réduisent les DIF. Cependant, les propositions législatives pourraient faire l’objet d’une interprétation plus large de manière à s’appliquer à d’autres catégories de revenus, tels que les remboursements d’intérêts aux termes de telles conventions ou les frais. Une modification connexe prévoit que ces sommes seraient ajoutées aux « revenus d’intérêts et de financement » des contribuables.

Entités du groupe d’institutions financières

Les règles de RDEIF renferment des règles permettant généralement le transfert de capacité entre les membres d’un groupe pour la déduction des DIF. Cela dit, il n’est généralement pas permis à une « entité du groupe d’institutions financières » de transférer un montant de capacité à d’autres membres du groupe qui ne sont pas une autre entité du groupe d’institutions financières. Selon les Notes explicatives, cette restriction repose sur le fait que l’on s’attendrait à ce que les entités du groupe d’institutions financières génèrent souvent un revenu net en intérêts dans le cadre de leurs activités d’entreprise ordinaires. Cette restriction des transferts de capacité vise à assurer que les revenus d’intérêts des entités du groupe d’institutions financières ne peuvent être utilisés pour abriter de façon inappropriée les DIF d’entités qui n’exploitent pas d’entreprises financières ou qui n’exercent pas d’activités accessoires à celles d’une institution financière. Les propositions relatives aux règles de RDEIF révisées élargiraient la définition d’« entité du groupe d’institutions financières » pour y inclure les entités qui sont membres du même groupe de sociétés que celui d’une institution financière et qui se livrent principalement à la fourniture de conseils en matière de gestion de fonds ou de portefeuille, ou encore à la fourniture de conseils de placement, relativement aux biens immeubles.

Interaction avec d’autres régimes

Le projet de loi C-59 traite de la question de l’interaction des diverses propositions pouvant limiter la déductibilité d’un paiement. Les restrictions relatives à la déductibilité d’un paiement seraient déterminées d’abord aux termes des règles sur les dispositifs hybrides, puis aux termes des règles de capitalisation restreinte, et enfin aux termes des règles de RDEIF.

Dispositifs hybrides

Le projet de loi C-59 comprend des versions révisées des propositions d’avril 2022, lesquelles introduisaient de nouvelles règles visant les « dispositifs hybrides ». Ces propositions devaient entrer en vigueur le 1er juillet 2022. Le projet de loi C-59 ne modifie pas cette date d’entrée en vigueur et n’apporte aucune modification d’envergure au cadre régissant ces dispositifs, bien que la version révisée de ces règles comporte des modifications ciblées en réponse aux commentaires reçus à l’égard de l’ébauche publiée aux fins de consultation. De plus, le projet de loi C-59 renferme de nouvelles dispositions traitant de l’application des règles sur les dispositifs hybrides au régime des sociétés étrangères affiliées de la LIR.

Les règles sur les dispositifs hybrides mettent en œuvre les recommandations du rapport Action 2 – Neutraliser les effets des dispositifs hybrides (le « rapport Action 2 ») de l’OCDE. Ces règles visent les stratégies qui donnent lieu à une « asymétrie déduction/non inclusion », c’est-à-dire une situation dans laquelle a) un payeur canadien effectue un paiement déductible qui n’est pas pleinement imposé à titre de revenu ordinaire en vertu des lois fiscales du territoire du bénéficiaire; ou b) un payeur étranger effectue un paiement déductible qui n’est pas pleinement imposé en vertu de la LIR à titre de revenu ordinaire du bénéficiaire canadien. Lorsque les règles s’appliquent à un paiement particulier effectué par un résident canadien, aucune déduction ne pourrait être faite relativement à ce paiement (soit la « règle primaire »), tandis que si le payeur est un non-résident, le paiement serait inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire canadien (la « règle secondaire »), et ce, dans les deux cas, jusqu’à concurrence de la somme du paiement découlant du dispositif hybride. Dans les circonstances où, en vertu de la règle primaire, une déduction serait refusée pour des intérêts payés par une société canadienne, le montant du paiement pour lequel la déduction est refusée serait réputé être un dividende aux fins de l’application de la retenue d’impôt canadienne.

Les règles s’appliqueraient lorsqu’un paiement découle de l’un des trois dispositifs suivants : un « dispositif d’instrument financier hybride »; un « dispositif de transfert hybride »; ou un « dispositif de paiement par substitution ». Le projet de loi C-59 n’apporte aucune modification aux définitions des deux premières catégories. Il ajoute toutefois à la définition de dispositif de paiement par substitution une exigence selon laquelle un tel dispositif doit comporter une composante transfrontalière. Par suite de cette modification, les exigences prévues à la définition d’un dispositif de paiements par substitution cadreraient avec celles prévues à la définition de chacune des deux autres catégories, lesquelles ne s’appliquent qu’aux dispositifs transfrontaliers. Cette modification serait conforme également aux intentions plus générales en matière de politique des règles, tel qu’il est décrit dans le rapport Action 2 et les Notes explicatives.

L’application des règles sur les dispositifs hybrides à un arrangement particulier repose notamment sur l’une ou l’autre des conditions suivantes : a) les parties à l’arrangement ne doivent pas avoir de lien de dépendance entre elles et chacune d’elles ne doit pas être une « entité déterminée » relativement à l’autre; b) l’arrangement doit être un « dispositif structuré ». Une relation d’« entité déterminée » est généralement définie comme une situation dans laquelle l’une des parties à un arrangement détient une participation de plus de 25 % dans le capital de l’autre partie, ou un tiers détient une participation de plus de 25 % dans le capital de chacune des parties à l’arrangement. À ces fins, une entité est généralement réputée détenir une participation dans le capital d’une autre entité si elle détient certains droits relativement à l’acquisition ou au contrôle de ce capital. Heureusement, le projet de loi C-59 prévoit une exclusion visant les droits qui existent pour garantir le remboursement des créances, laquelle exclusion est similaire à celle pour la même règle de présomption qui s’applique aux règles de capitalisation restreinte.

Un dispositif structuré est une opération ou une série d’opérations pour laquelle il est raisonnable de considérer que les avantages économiques découlant d’une asymétrie sont reflétés dans l’établissement des prix de l’opération ou de la série d’opérations, ou que l’opération ou la série d’opérations est par ailleurs conçue afin de donner lieu à une asymétrie. Le projet de loi C-59 ne propose aucune modification importante de la définition d’un dispositif structuré. Cependant, les Notes explicatives indiquent que la liste des facteurs présentée dans le rapport Action 2 qui permet de déterminer si un dispositif constitue un dispositif structuré n’est pas exhaustive. Elles précisent également qu’aucun facteur figurant sur cette liste n’est déterminant, et que la présence ou l’absence d’un facteur sur cette liste n’est pas déterminante non plus. Les Notes explicatives soulignent notamment que la présence de divulgations fiscales dans un document d’offre qui décrivent les avantages fiscaux des investisseurs dans le territoire dans lequel un instrument financier est commercialisé ne suggère pas nécessairement la présence d’un dispositif structuré. Ce serait le cas, par exemple, lorsque les modalités du dispositif sont identiques ou semblables à celles d’autres instruments sur le marché et sont conçues pour atteindre des objectifs commerciaux ou réglementaires. Il s’agit d’une précision bienvenue pour les émetteurs canadiens qui émettent des titres dans des territoires étrangers où le traitement fiscal des titres émis peut être différent du traitement fiscal canadien.

Les propositions d’avril 2022 prévoyaient une déduction compensatoire lorsqu’un contribuable canadien assujetti à la règle primaire à l’égard d’un paiement démontrait que l’asymétrie n’était que temporaire (p. ex., lorsque l’autorité fiscale du territoire étranger reportait la comptabilisation d’un montant dans le revenu du contribuable, ou lorsqu’elle était subséquemment en désaccord avec la position de déclaration du contribuable selon laquelle un montant ne devait pas être inclus dans ce revenu). Les propositions d’avril 2022 ne prévoyaient pas d’allègement semblable pour un bénéficiaire non-résident qui était assujetti à une retenue d’impôt canadien en raison de l’application de ces règles à l’intérêt payé par une société canadienne. Le projet de loi C-59 prévoit un nouveau mécanisme qui permettrait à un non-résident d’obtenir un remboursement de cette retenue d’impôt.

Les propositions d’avril 2022 comprenaient une règle qui prévoit le refus de la déduction des dividendes reçus en vertu de l’article 113 de la LIR relativement aux dividendes reçus par une société canadienne sur les actions d’une société étrangère affiliée lorsque ces dividendes sont déductibles dans le calcul du revenu de la société étrangère affiliée conformément aux lois étrangères applicables (la « règle du refus de la déduction au titre d’un dividende reçu d’une société étrangère affiliée »). Le projet de loi C-59 ne modifie pas cette règle, mais il prévoit une déduction majorée pour les retenues d’impôt étranger applicables à la partie du dividende pour laquelle la déduction des dividendes reçus a été refusée. Cette modification répond aux préoccupations soulevées selon lesquelles la règle entraînerait par ailleurs une double imposition lorsque les dividendes reçus de sociétés étrangères affiliées sont assujettis à une retenue d’impôt locale.

Le projet de loi C-59 renferme également les nouvelles dispositions suivantes concernant le recoupement des règles sur les dispositifs hybrides avec le régime des sociétés étrangères affiliées de la LIR.

  • Le projet de loi C-59 introduit une règle qui n’avait pas été annoncée auparavant. Aux termes de cette nouvelle règle, un dividende reçu par une société étrangère affiliée d’un contribuable en provenance d’une autre société étrangère affiliée serait inclus dans le calcul du revenu étranger accumulé, tiré de biens (« REATB ») dans la mesure où un montant à l’égard du dividende serait déductible par la société affiliée payeuse. Selon les Notes explicatives, cette règle vise à cadrer avec la politique sous-jacente à la règle du refus de la déduction au titre d’un dividende reçu d’une société étrangère affiliée. En sa version actuelle, cette règle s’appliquerait, que le dividende soit inclus ou non dans le revenu en vertu des lois fiscales du territoire de la société affiliée bénéficiaire (lequel territoire pouvant être le même que celui de la société affiliée payeuse). Il y a lieu de se demander s’il s’agit d’un résultat approprié d’un point de vue de politique fiscale, particulièrement dans les situations où le payeur et le bénéficiaire sont des sociétés affiliées et résident dans le même territoire étranger, et où le paiement est entièrement inclus dans le revenu du bénéficiaire en vertu des lois locales. Il est proposé que cette règle s’appliquerait aux dividendes reçus à compter du 1er juillet 2024.

  • Le projet de loi C-59 répond aux préoccupations soulevées par les parties prenantes selon lesquelles les règles sur les dispositifs hybrides pourraient avoir des conséquences inappropriées auprès des sociétés étrangères affiliées en raison des règles exigeant qu’une société étrangère affiliée d’un contribuable calcule le REATB comme si elle était un contribuable résidant au Canada. Aux termes du projet de loi C-59, la règle primaire ne s’appliquerait pas aux fins du calcul du REATB. Cependant, sous réserve de certaines modifications, la règle secondaire s’appliquerait aux fins du calcul du REATB pour les paiements effectués à compter du 1er juillet 2024.

Certaines parties prenantes avaient soulevé une préoccupation à l’égard de l’ébauche initiale des règles sur les dispositifs hybrides, à savoir que les paiements compensatoires effectués dans le cadre de prêts de titres consentis par des clients dans le cours normal des activités entre des parties ayant un lien de dépendance, comme les courtiers en valeurs mobilières canadiens et les sociétés non résidentes affiliées à ces derniers, pourraient être visés par ces règles. Le projet de loi C-59 répond à cette préoccupation en établissant une exception très étroite.

Le projet de loi C-59 prévoit spécifiquement qu’un « paiement compensatoire (courtier) exonéré » ne serait pas considéré comme découlant d’un « dispositif de transfert hybride » dans certaines circonstances. Cette modification est de portée très restreinte, ne s’appliquant essentiellement qu’aux courtiers en valeurs mobilières canadiens qui reçoivent des paiements en compensation de dividendes d’une société non résidente affiliée. Compte tenu de cette portée limitée et des restrictions sur les dividendes reçus (dont il est question ci-après à la rubrique « Déduction des dividendes reçus par les institutions financières »), il est peu probable que cette exception soit de grande incidence.

Enfin, le projet de loi C-59 prévoit de nouvelles exigences selon lesquelles les contribuables assujettis aux règles sur les dispositifs hybrides seraient tenus de produire certains renseignements prescrits dans le cadre de leur déclaration de revenu canadienne. Ces nouvelles exigences de production s’appliqueraient relativement aux paiements réalisés à compter du 1er juillet 2023.

Déduction des dividendes reçus par les institutions financières

Dans le Budget 2023, le gouvernement fédéral proposait de refuser la déduction des dividendes intersociétés pour les actions de sociétés canadiennes détenues par des institutions financières à titre de biens évalués à la valeur du marché. Dans l’ÉÉA de 2023, il proposait d’exclure les « actions privilégiées imposables » de la proposition prévue au Budget 2023. La proposition figurant au Budget 2023, telle que modifiée dans l’ÉÉA de 2023, a été incluse dans le projet de loi C-59. Cependant, ce dernier y apporte une modification importante en prévoyant que la déduction des dividendes reçus serait refusée pour les dividendes des actions privilégiées imposables émises par toute société (y compris une institution financière) qui sont ou qui seraient des biens à évaluer de l’actionnaire à un moment donné dans l’année. Selon les Notes explicatives, cet ajout vise à empêcher l’émission d’actions privilégiées imposables qui procurent à une institution financière une exposition à des titres de capitaux propres canadiens sous-jacents qui auraient été assujettis à la nouvelle mesure s’ils avaient été détenus directement par l’institution financière. Les Notes explicatives indiquent également que l’impôt en vertu des parties IV.1 et VI.1 de la LIR pourrait également s’appliquer aux actions privilégiées imposables, quoique la politique fiscale permettant de faire le lien entre les préoccupations soulevées dans les Notes explicatives et les parties IV.1 et VI.1 de la LIR n’a pas été précisée.

Les Notes explicatives publiées dans le cadre du projet de loi C-59 fournissent à plusieurs égards des renseignements additionnels au sujet du nouveau régime. Le Budget 2023 soulevait que la politique relative à la déduction des dividendes reçus était en conflit avec la politique relative au régime d’évaluation à la valeur du marché. Bien que cet énoncé ne figure pas dans les Notes explicatives, ces dernières soulignent toutefois que la déduction des dividendes reçus pourrait être refusée dans d’autres circonstances (notamment pour ce qui est des actions privilégiées à terme) et que la nouvelle règle aurait pour but de faire concorder le traitement des dividendes sur des actions qui sont des biens évalués à la valeur du marché avec le traitement des gains réalisés ou non réalisés sur ces actions, c’est-à-dire en tant que revenu ordinaire. Les Notes explicatives ne précisent pas pourquoi la politique sous-jacente à la déduction pour dividendes reçus, à savoir l’opportunité de l’intégration des revenus par les sociétés et la réduction de la double imposition, n’était pas considérée comme applicable aux biens évalués à la valeur du marché (à l’exception des actions privilégiées imposables). Les Notes explicatives fournissent également des renseignements additionnels au sujet de l’application de la nouvelle règle aux dividendes sur les actions qui seraient des biens évalués à la valeur du marché si les actions sont détenues par l’institution financière. Elles précisent que la disposition s’appliquerait dans les cas où le dividende a été reçu à l’égard d’actions qui ne sont pas détenues directement par l’institution financière, comme les actions qui sont détenues par l’intermédiaire d’une fiducie et pour lesquelles le dividende fait l’objet d’une désignation en vertu du paragraphe 104(19) de la LIR (c’est-à-dire, qui est réputé être un dividende imposable). Elle s’appliquerait aussi aux actions qui ont été prêtées aux termes d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières en vertu duquel sont effectués des paiements compensatoires de dividendes. De plus, les Notes explicatives abordent l’application de la nouvelle mesure aux actions qui sont des biens à évaluer. Elles indiquent que la disposition relative aux biens à évaluer repose sur un raisonnement visant à assurer que les institutions ne peuvent éviter la nouvelle mesure en détenant indirectement des actions qui sont des biens évalués à la valeur du marché par l’intermédiaire d’une société (autre qu’une autre institution financière) dans laquelle l’institution financière a une participation notable, étant donné que le payeur de dividende est lui-même est une société dans laquelle l’institution financière a une participation notable et n’est donc pas visé par le régime d'évaluation à la valeur du marché.

Sociétés privées sous contrôle canadien en substance

Le projet de loi C-59 comporte des règles annoncées précédemment visant les sociétés privées sous contrôle canadien en substance (« SPCC en substance »), lesquelles avaient été introduites initialement dans le Budget 2022. De plus amples détails sur ces règles sont fournis dans notre Bulletin Blakes intitulé Budget fédéral 2022 – Présentation de certaines mesures fiscales. Les règles relatives aux SPCC en substance qui sont prévues au projet de loi Bill C-59 sont essentiellement identiques à celles figurant aux propositions législatives publiées antérieurement.

Énergie propre

Faisant suite aux propositions d’août 2023 et aux annonces faites dans l’ÉÉA de 2023, le projet de loi C‑59 apporte des modifications et des précisions additionnelles sur le CII pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (« CUSC ») et le CII pour les technologies propres.

Pour ce qui est du CII pour le CUSC, le projet de loi C‑59 prévoit une définition élargie de « matériel à double usage ». Cette définition inclut les biens faisant partie d’un projet de CUSC qui ne sont pas destinés à la transformation du gaz naturel ou à l’injection du gaz acide et qui produisent de l’énergie électrique, de l’énergie thermique, ou une combinaison des deux (y compris le matériel qui est physiquement et fonctionnellement intégré à de tels biens), ainsi que le matériel d’un système de contrôle, de surveillance et de sécurité (y compris certains bâtiments et autres structures). Les propositions législatives précisent également les circonstances dans lesquelles le contribuable serait tenu de produire un plan de projet révisé.

Quant au CII pour les technologies propres, les règles relatives à la récupération du crédit ont été élargies pour apporter des précisions sur leur application aux sociétés de personnes, y compris le mécanisme des règles, les sommes à ajouter à l’impôt, ainsi que les modifications à toute déclaration de renseignements.

Des mises à jour des exigences en matière de main-d’œuvre applicables aux CII pour le CUSC et pour les technologies propres comportent des précisions sur l’interprétation des exigences en matière de salaire prévalant conformément à une convention collective admissible. Pour ce qui est des exigences à l’égard d’apprentis, le projet de loi C-59 établit un critère d’efforts sérieux, aux termes duquel les exigences seraient réputées être respectées si certaines conditions sont remplies. Ces conditions comprennent la publication d’offres d’emploi véritables, ainsi que certaines démarches auprès de syndicats.

Le projet de loi C-59 prévoit aussi une série de règles concernant l’application du CII dans les technologies propres aux sociétés de personnes, notamment :

  • le partage déraisonnable du montant d’un CII dans les technologies propres entre les associés d’une société de personnes;

  • une précision selon laquelle les CII dans les technologies propres attribués à un commanditaire d’une société de personnes ne doit pas dépasser la fraction à risques de l’intérêt de ce commanditaire dans la société de personnes (le projet de règle antérieur qui avait été intégré aux dispositions relatives aux CII a été supprimé);

  • une règle relative à la répartition entre les divers CII;

  • une règle selon laquelle une aide gouvernementale ou non gouvernementale que reçoit un associé d’une société de personnes sera réputée être reçue par cette dernière;

  • une règle selon laquelle un crédit attribué sera réputé avoir été reçu par une société de personnes à la fin de son année d’imposition aux fins de la réduction du coût en capital des biens amortissables associés;

  • une règle relative aux paliers de sociétés de personnes, laquelle prévoit des mesures de transparence et selon laquelle un associé d’une société de personnes qui est elle-même un associé d’une autre société de personnes sera réputée être un associé de cette dernière.

Enfin, le projet de loi C-59 prévoit des règles concernant :1) le prolongement de la période de nouvelle cotisation à trois ans ou à quatre ans suivant le jour de la production du formulaire; 2) l’application de pénalités à toute personne ayant fait un faux énoncé dans un formulaire de CII; et 3) la communication de renseignements ayant trait à des CII par un fonctionnaire.

MESURES VISANT L’IMPÔT SUR LE REVENU DES PARTICULIERS

Transferts intergénérationnels d’entreprises

Dans le Budget 2023, le ministère a publié des propositions pour traiter de ses préoccupations à l’égard des dispositions sur les transferts intergénérationnels d’entreprises prévues au projet de loi C‑208. Hormis quelques modifications, la version de ces règles contenue dans le projet de loi C-59 est essentiellement la même que celle du Budget 2023.

Le projet de loi C-59 comprend plusieurs règles d’allègement. La première telle règle propose, dans le contexte d’un transfert intergénérationnel d’entreprise, de permettre à un enfant de transférer une participation dans l’entreprise en question à un autre enfant sans conséquences fiscales défavorables à l’endroit de l’enfant qui est l’auteur du transfert. Des règles similaires s’appliqueraient dans les situations où une société dispose d’actifs servant à l’exploitation de son entreprise afin de s’acquitter de créances dues à ses créanciers. Une telle mesure n’aurait aucune incidence sur les conséquences fiscales du transfert initial.

Aux termes des dispositions en matière de transfert intergénérationnel, la gestion de l’entreprise concernée doit passer de l’auteur du transfert au bénéficiaire de ce dernier. Le projet de loi C-59 précise que le mot « gestion » se rapporte à la direction ou à la supervision des activités d’une entreprise sans toutefois inclure la prestation de conseils. Cette précision a vraisemblablement pour but d’assurer que seuls des transferts véritables auraient lieu, mais elle vient également rassurer les auteurs de transferts qui continueraient d’exercer un rôle de conseiller au sein de l’entreprise concernée après le transfert. Elle établit que la prestation de conseils en soi ne correspond pas à la gestion de l’entreprise et ne devrait donc pas créer un risque que l’opération soit qualifiée autrement pour qu’il en résulte un dividende réputé.

Le projet de loi C-59 prévoit également de nouvelles règles interdisant l’application de l’exception relative au transfert intergénérationnel d’entreprise aux transferts successifs d’une même entreprise. Il s’agit d’une considération importante pour les contribuables qui souhaitent transférer leur entreprise par tranches.

Il y a lieu de noter également qu’une version antérieure des règles figurant aux propositions d’août 2023 comportait une disposition exigeant qu’une société dont les actions font l’objet d’une vente soit contrôlée par l’auteur du transfert ou son conjoint. Le projet de loi C-59 ne prévoit plus cette exigence. Il élargit plutôt la portée des dispositions relatives aux transferts intergénérationnels pour y inclure les situations où l’auteur du transfert n’est pas l’actionnaire majoritaire de l’entreprise.

Il est proposé que ces modifications s’appliquent aux transferts d’actions effectués à compter du 1er janvier 2024.

Fiducies collectives d’employés (« FCE »)

Le Budget 2023 proposait de nouvelles règles visant à faciliter la création de FCE, soit des fiducies qui détiennent directement, ou indirectement par l’intermédiaire d’une autre société, les actions d’une société au profit des employés de cette dernière. Les dispositions relatives aux FCE ont pour but d’encourager les propriétaires d’entreprise à vendre leurs actions à une FCE, ou à une société appartenant à une FCE, au profit des employés de l’entreprise. Les propositions d’août 2023 comportaient des dispositions relatives aux FCE qui sont similaires en grande partie à celles figurant aux propositions législatives publiées dans le cadre du Budget 2023. Le projet de loi C-59 n’apporte que des modifications techniques relativement mineures aux règles relatives aux FCE qui sont énoncées dans les propositions d’août 2023.

Le fait que les règles relatives aux FCE n’offrent pas d’avantages fiscaux significatifs aux propriétaires d’entreprise qui vendent leurs actions à un FCE est l’une des critiques principales soulevées à l’encontre de ce régime. L’avantage principal est le prolongement de la période actuelle du calcul de la provision pour gains en capital de cinq ans à dix ans (un minimum de 10 % du gain devant être inclus dans le revenu chaque année). Il ne s’agit pas d’un incitatif important à la lumière de la complexité que pourrait présenter la conformité aux exigences en matière de FCE.

L’ÉÉA de 2023 proposait certaines améliorations importantes, quoique temporaires, aux avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les propriétaires qui vendent leur entreprise admissible à une FCE. Plus précisément, il proposait que pour les années d’imposition 2024, 2025 et 2026, la première tranche de 10 M$ CA de gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise à une FCE soit exemptée d’impôt, sous réserve de certaines conditions. L’ÉÉA de 2023 indiquait par ailleurs que plus de précisions seraient fournies « dans les prochains mois ». Comme aucune telle précision ne figure au projet de loi C-59, il reste à voir quelles exigences devront être satisfaites pour qu’un propriétaire soit admissible à cette exemption sur les gains en capital.

MESURES VISANT LA FISCALITÉ INTERNATIONALE

Taxe sur les services numériques (« TSN »)

En tant que prochaine étape de la mise en œuvre d’une taxe sur les services numériques, le projet de loi C-59 prévoit l’édiction de la Loi sur la taxe sur les services numériques, laquelle s’appliquerait, dans sa première année d’application, aux revenus imposables gagnés à compter du 1er janvier 2022 jusqu’à la présente année. Selon le projet de loi C-59, l’édiction de cette loi n’aurait pas lieu avant le 1er janvier 2024, mais à une date ultérieure devant être annoncée par le gouvernement.

AUTRES MESURES FISCALES

Comptes d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (« CELIAPP »)

Le projet de loi C-59 propose diverses modifications relativement aux CELIAPP.

Deux de ces modifications concernent le régime des Normes communes de déclaration. En vertu de ce régime, une institution financière déclarante est tenue de communiquer à la ministre certains renseignements à l’égard de chacun de ses comptes déclarables.

Une « institution financière non déclarante » n’est pas assujettie à cette exigence. Le projet de loi C-59 propose de modifier un règlement applicable de manière à ajouter le CELIAPP à la liste des entités visées par l’application de la définition d’« institution financière non déclarante ». Cette modification ferait en sorte que les fiducies de CELIAPP seraient considérées comme des institutions financières non déclarantes aux fins des Normes communes de déclaration. Cette proposition est conforme au traitement d’autres comptes assortis d’avantages fiscaux, notamment les REER et les CELI.

Le projet de loi C-59 propose également de modifier un autre règlement applicable, de manière à ajouter le CELIAPP à la liste des comptes considérés comme des « comptes exclus », et donc non déclarables, aux fins des Normes communes de déclaration. Comme pour le cas précédent, il s’agit d’une proposition qui est conforme au traitement d’autres comptes assortis d’avantages fiscaux, notamment les REER et les CELI.

Ces modifications, qui avaient été annoncées précédemment, seraient en vigueur en date du 1er avril 2023.

TPS/TVH et taxe sur les logements sous-utilisés

Le projet de loi C-59 prévoit également la mise en œuvre de diverses modifications de la Loi sur la taxe d’accise et de la TPS/TVH, lesquelles modifications avaient été annoncées précédemment. Ces modifications comprennent l’accroissement des seuils de documents relatifs au crédit de taxe sur les intrants, ainsi que la modification de la définition d’« intermédiaire » pour y inclure les agents de facturation aux fins des règles sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants.

Les modifications concernant les règles relatives au choix visant une coentreprise en matière de TPS/TVH et la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés, lesquelles avaient été présentées dans le cadre de l’ÉÉA de 2023, ne figurent pas au projet de loi C-59 car les périodes de consultation pour ces propositions législatives respectives sont encore en cours, ne prenant fin que l’an prochain.

Développements fiscaux non liés au projet de loi C-59 — dépouillement des gains en capital (article 55 de la LIR)

Parallèlement au projet de loi C-59, le 28 novembre 2023, l’ARC a annoncé qu’elle publierait un document comportant des lignes directrices mises à jour sur le calcul du revenu protégé et, dans le cadre d’une présentation qu’elle a donnée à la même date, a fourni un aperçu de ces nouvelles lignes directrices.

Les dividendes payés sur le revenu protégé d’une société canadienne peuvent être reçus par une autre société canadienne sans que ces dividendes soient réputés être un produit de disposition ou un gain en capital en vertu du paragraphe 55(2) de la LIR.

Le paiement de dividendes sur le revenu protégé afin de réduire un gain en capital avant la vente d’actions d’une société constitue une stratégie de planification fiscale courante et de longue date. De plus, depuis les modifications du paragraphe 55(2) en 2016, lesquelles ont élargi la portée de l’application de ce paragraphe, les contribuables ont eu de plus en plus recours à un revenu protégé pour s’assurer que le paragraphe 55(2) ne s’applique pas aux dividendes intersociétés versés dans le cours normal des activités.

Les lignes directrices mises à jour de l’ARC s’appliqueront à tout contribuable ayant recours à un revenu protégé pour verser des dividendes intersociétés ou pour réduire les gains en capital réalisés sur la disposition d’actions d’une société. L’ARC a annoncé que sa nouvelle position sur le calcul du revenu protégé entrera en vigueur après le 28 novembre 2023.

DISCLAIMER: Because of the generality of this update, the information provided herein may not be applicable in all situations and should not be acted upon without specific legal advice based on particular situations.

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